Pour un système financier durable au service de l’économie réelle et de l’emploi

Depuis le début de la crise financière, le secteur financier a connu un important mouvement de réglementation, après la vague de déréglementation des décennies précédentes qui avait conduit à la crise. Cet effort était absolument nécessaire pour endiguer une finance devenue folle. Mais avec le recul, on peut se demander si ce nouveau cadre réglementaire est bien suffisant pour empêcher une nouvelle crise et surtout si d’autres mesures, plus structurelles, ne seraient pas indispensables pour établir un système financier durable au service de l’économie réelle et de l’emploi.

On remarquera tout d’abord que ce mouvement n’a pas freiné l’envolée des profits des banques, contrairement aux cris d’orfraies poussés par les banquiers. Si de nombreuses mesures législatives ont été adoptées, en Europe et aux États-Unis notamment, elles sont encore loin d’être toutes entrées en application et l’on peut observer avec quelle efficacité les lobbies financiers s’emploient à en limiter la portée. Leur voix est d’ailleurs d’autant plus entendue que, 7 ans après le début de la crise, l’ardeur réformatrice des décideurs politiques s’est fortement émoussée et que l’idée poussée par ces lobbies, selon laquelle on est allé trop loin dans la réglementation, fait son chemin dans les esprits.

Il faut enfin constater que tout un pan du secteur financier, ce qu’on appelle la « banque parallèle » ou « banque de l’ombre » échappe pour l’instant en grande partie à ce mouvement de réglementation. Or ce secteur, constitué pour l’essentiel d’acteurs dépendants des grandes banques, ne cesse de se développer et de nombreuses voix s’élèvent, y compris de la part d’autorités de contrôle comme le gouverneur de la Banque de France, pour qu’on ne cherche pas à trop le réguler.

Finalement, ce qui apparaît c’est que ce nouveau cadre réglementaire, élaboré en concertation étroite avec les acteurs financiers, vise surtout à contenir les dérives du système financier et à le protéger contre lui-même, sans remettre en cause le modèle qui le sous-tend, ni le pouvoir de ses acteurs.

Son contenu n’est d’ailleurs pas sans poser problème. En effet, les règles prudentielles imposées aux banques ne favorisent pas l’octroi de crédits bancaires aux entreprises et notamment aux PME. Elles incitent plutôt à recourir au marché pour assurer leur financement. Ainsi dans l’Union des Marchés de Capitaux qu’elle propose, la Commission européenne prône le développement de la banque de l’ombre et de la titrisation dont on connaît le rôle dans la crise financière.

Il y a donc urgence à sortir d’une vision étroite de la réglementation et à réfléchir aux moyens de mettre le système financier au service des besoins réels de la société. Cela passe en particulier par une limitation du poids politique des grandes banques systémiques.

Au-delà de leur impact sur la stabilité financière, ces banques ont la capacité de peser de façon déterminante sur les décideurs politiques et d’imposer leurs points de vue dans les législations les concernant. Il y a là une capture de l’intérêt général au profits d’intérêts privés qui n’est plus tolérable. Cela plaide pour une diminution de leur taille et une séparation entre les banques commerciales et les banques d’investissement.

Se pose également la question de savoir qui doit décider de la stratégie des banques : les actionnaires seulement ou l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire, sous une forme ou une autre, les citoyens ? La monnaie est un bien public et le crédit est indispensable au fonctionnement de l’économie. Peut-on accepter qu’ils soient gérés uniquement par des acteurs privés en fonction de leurs seuls intérêts ? N’est-il pas indispensable de leur imposer le respect de certains choix collectifs ?

Au-delà de cette nécessité de soumettre les banques à un certain contrôle social, il est également indispensable qu’une partie du secteur financier soit totalement dégagé de la pression des actionnaires et des contraintes de rentabilité et puisse se consacrer à répondre aux besoins de financement essentiels exprimés par la société. Cela plaide pour qu’à côté des banques privés puissent exister et se développer des banques publiques et coopératives.

On doit enfin s’interroger sur le statut et le rôle des banques centrales dont l’indépendance en fait de facto des instruments au service des marchés financiers et non des outils au service des citoyens ?

On a vu le rôle joué par la BCE pour faire capituler le gouvernement grec. Ce n’est pas acceptable. Il faudrait aussi modifier leurs modes d’intervention, en leur permettant par exemple de financer les États ou de refinancer les banques de façon sélective, en privilégiant les investissements porteurs de développement durable et d’emplois, plutôt que d’inonder les marchés de liquidités qui alimenteront la prochaine crise.

Approfondir notre réflexion et nos propositions sur ces thèmes est nécessaire si nous voulons ensemble construire un système financier utile et durable.

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