Conférence de presse fiscalité : Intervention de Jean Christophe Le Duigou

De la contre-réforme fiscale à une refonte démocratique de la fiscalité

Non vraiment, les ménages les plus aisés comme les actionnaires n’ont pas à se plaindre du gouvernement De Villepin ! La difficulté à mettre en oeuvre la procédure des déclarations de revenus pré-remplies sert de rideau de fumée. Quelques dizaines de milliers de foyers fiscaux se frottent les mains.

C’est le cas des 130 000 plus gros contribuables à l’impôt sur le revenu [1] qui bénéficieront cette année en moyenne d’un allègement de 5 300 euros alors que les 17 millions de contribuables restants ne connaîtront qu’un allègement moyen de 170 euros.

Le « bouclier fiscal » profitera à 93 000 foyers et chacun gagnera en moyenne 18 000 euros sur son imposition. S’y ajoutent en moyenne 4 000 euros dus à l’extension des exonérations pour les actions dans l’assiette de l’ISF.

Terminons ce bref survol par l’exonération d’imposition sur les plus values pour les actionnaires qui auront détenu les titres 8 ans et les trois mesures en faveur des entreprises :

  • 2 milliards d’exonérations supplémentaires de cotisations sociales,
  • 1,8 milliards d’exonération de taxe professionnelle,
  • 0,5 milliards liés à la suppression de la surtaxe Juppé sur les bénéfices.

C’est en fait une véritable contre réforme fiscale qui se met en place. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que le gouvernement n’arrive pas à réduire le déficit public et que le pouvoir d’achat des salariés stagne. Il faut bien compenser ces avantages octroyés : d’où l’augmentation des taxes, des cotisations sociales, des impôts locaux.

A quatre semaines du débat parlementaire d’orientation budgétaire et alors que sont sensés s’élaborer les programmes pour les élections présidentielles, nous avons voulu rendre publiques nos analyses.

Nous ne rêvons pas à un « grand soir fiscal ». Cela n’empêche pas de réfléchir à des mesures ambitieuses de justice, de solidarité et d’efficacité économique.

  • L’impôt peut être plus juste. La France est le pays développé où la place des impôts progressifs (IR et droits de succession) est l’une des plus faibles. C’est pourtant ceux-ci que le gouvernement choisit de faire diminuer. Nous proposons à l’inverse une réforme de l’impôt sur le revenu qui mette un peu plus d’égalité entre revenu du travail et revenu de la propriété. Cela augmenterait son rendement, ce qui permettrait corrélativement de limiter les impôts indirects comme la TVA qui sont anti-redistributifs. Il faut aussi remettre en cause les niches fiscales et remettre à plat la multitude des crédits d’impôts et réductions d’impôts existant actuellement.
  • L’impôt doit être plus solidaire. C’est l’un des enjeux de la réforme de la fiscalité locale. La décentralisation sans solidarité, c’est un cocktail explosif. Il faut donc viser à une plus grande solidarité entre les territoires, et organiser des péréquations entre les régions les plus riches, celles dont le potentiel fiscal est le plus important, et les régions pauvres, en particulier les régions sinistrées par les restructurations et la désindustrialisation. Cette exigence de solidarité concerne également les populations les plus fragiles.
  • L’impôt a besoin d’être plus efficace économiquement. C’est l’un des enjeux de la réforme des impôts fonciers et de la nécessaire réforme de la taxe professionnelle. Au lieu d’être supprimée, cette dernière doit être réformée profondément de manière à être une véritable taxe pour l’efficacité économique et sociale. L’une des fonctions devrait être de responsabiliser les entreprises sur le développement des territoires. Une autre question essentielle est celle de la réforme de l’impôt sur les sociétés. Si les taux apparents de l’IS apparaissent élevés en France par rapport aux autres pays de l’union européenne, cela est compensé par des bases fiscales qui sont relativement étroites et des régimes dérogatoires particulièrement avantageux. Une réforme globale de l’IS est nécessaire, qui porte à la fois sur l’assiette et les taux.

Une fiscalité plus efficace économiquement suppose une réforme de cotisations sociales. La politique d’exonération des cotisations a montré ses limites et génère dorénavant de forts effets négatifs. Nous rappelons que la Cgt se prononce pour une extinction progressive de ces exonérations, en lien avec la réforme de l’assiette des cotisations patronales. Cette mesure, outre qu’elle favoriserait le développement de l’emploi stable et qualifié, exercerait un impact important sur l’équilibre des finances publiques puisque les compensations d’exonérations représentent une charge budgétaire de plus de 20 milliards d’euros par an.

Enfin, pour conclure, il est impossible de traiter la question de la fiscalité sans la rapporter à l’enjeu européen. Le dumping fiscal est aujourd’hui une menace réelle, en particulier dans le contexte de l’Europe à 25. Une harmonisation tant des taux que des bases des impôts payés par les entreprises (en particulier l’impôt sur les sociétés) est indispensable à la construction d’un modèle social européen qui représente un progrès social pour les salariés européens.

Le 48e Congrès de la Cgt a décidé la tenue d’un forum pour la réforme fiscale permettant au syndicalisme et aux diverses associations de se rencontrer pour élaborer une série de réponses concrètes. Celui-ci pourrait se tenir au l’automne 2006.

Notes

[1Revenus supérieurs à 100 000 euros

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