L’impôt, outil de justice sociale ?

Article paru dans le journal "La Marseillaise", le 19 février 2010. Source de l’article.

Alexandre Derigny secrétaire de la fédération CGT-finances et jean-Marc Durand éditorialiste à la revue Economie et Politique analysent le système actuel et font des propositions pour une fiscalité alternative.

L’impôt est « une contribution indispensable qui doit être répartie également entre les citoyens, en raison de leurs facultés » proclamait il y a 220 ans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Qu’en est-il dans la France d’aujourd’hui ?

Pour Alexandre Derigny, secrétaire de la fédération CGT-finances, la réponse est sans appel : « l’orientation de la politique fiscale est outrageusement favorable aux classes les plus aisées ». Les raisons de cette affirmation ? « La part de l’impôt sur le revenu, qui est le plus juste car il est progressif, a été peu à peu réduit à la portion congrue. Dans les recettes de l’État, elle ne s’élève plus qu’à 17% contre plus de 50% pour la seule TVA » analyse le syndicaliste.

Jean-Marc Durand éditorialiste à la revue Économie & Politique met, pour sa part, en miroir la création de la taxe carbone pour tous les citoyens avec la suppression de la taxe professionnelle (TP) pour les entreprises. « Cela illustre bien le choix d’une politique fiscale inspirée par le libéralisme, qui vise à comprimer les recettes de l’État, à exonérer les entreprises de leur responsabilité sociale, et à répartir de nouvelles charges sur l’ensemble des citoyens au profit des plus aisés. »

Comment analyser la révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) défendue avec détermination par Christine Lagarde ?

Pour Alexandre Derigny, il s’agit d’un plan cohérent avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui vise dans un même mouvement à « réduire les recettes de l’État, les effectifs de fonctionnaires et donc le champ de l’action publique et l’efficacité des services publics ».

Loin de la sphère abstraite dans laquelle beaucoup de citoyens place la fiscalité, les conséquences de sa réforme sont très concrètes pour le responsable syndical : « on a eu à faire face à 100 000 suppressions de postes dans la Fonction publique et en 2010 rien qu’aux finances 3 000 postes seront encore supprimés, c’est gravissime pour la qualité du service et directement lié à l’appauvrissement des ressources de l’État » confirme-t-il.

Dans ces conditions, il dénonce une rupture de l’égalité de traitement des citoyens. Par exemple, le manque de moyens pour l’administration des impôts va, selon lui, conduire à délaisser les contrôles fiscaux des professions libérales beaucoup plus difficiles à réaliser que les recoupements concernant les salariés.

Au delà de cette question précise, Jean-Marc Durand, relève pour sa part, la tendance lourde du désengagement de l’État qui a fait peser de plus en plus de charges sur les collectivités. Or, celles-ci, bientôt privées de la TP, devront s’appuyer davantage sur leurs autres ressources, au premier rang desquelles : la taxe d’habitation qui touche tous les citoyens, sans tenir compte de leur niveau de revenus.

Baisser les taxes, faire progresser l’impôt sur le revenu.
« Progressivité » c’est le mot d’ordre, l’idée-force défendue par la CGT dans son projet pour une fiscalité conjuguant « efficacité économique et justice sociale ».

Comme traduire ce principe dans les faits ?

« Nous sommes favorables à une refonte globale de la fiscalité, les taxes comme la TVA ou la TIPP doivent être considérablement baissées et l’impôt sur le revenu réhabilité. Nous proposons qu’il concerne l’ensemble de la population même de façon symbolique et qu’il soit fortement progressif, les citoyens les plus modestes ont tout à y gagner » propose Alexandre Derigny.

En effet, l’impôt sur le revenu a pu comporter par le passé jusqu’à douze tranches contre cinq actuellement. En outre, avec le bouclier fiscal le taux maximal d’imposition est de 40% pour les plus riches.

Mais un tel projet ne risque-t-il pas de grever le développement économique et de décourager la création de richesses ?

« Les arguments des tenants du libéralisme sont fallacieux, dénonce le cégétiste, bien au contraire la réforme de la fiscalité que l’on préconise, agit sur la croissance en revalorisant le pouvoir d’achat des plus modestes : ce sont eux qui ont la plus forte ”propension marginale à la consommation” ». Le syndicaliste s’explique : « chaque euro de plus disponible pour une personne modeste sera mécaniquement utilisé dans la consommation pour satisfaire des besoins concrets, en revanche, les plus aisés ont une forte tendance à épargner tout surplus de revenu : pour être clair ils ne vont pas acheter 10 kg de steaks par jour ! »

Jean-Marc Durand va plus loin, proposant de lier à la refonte de la fiscalité, la constitution d’un pôle public bancaire pour redonner à la puissance publique, sous le contrôle des citoyens, les moyens d’intervenir aux deux bouts de la chaîne économique.

Reportage Léo PURGUETTE

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