Avenir des retraites : quelles retraites en Europe ?

Vendredi 17 janvier 2003, tandis que le Ministre des Affaires Sociales, François Fillon poursuivait son tour d’Europe des retraites afin de “prendre connaissance” des réformes effectuées dans différents États européens, cinq organisations syndicales françaises dont la CGT, la CFDT, la CFTC, l’Unsa et la FSU avaient invité des syndicalistes européens (CCOO-Espagne ; CISL-Italie ; CSC-Belgique, CES-Europe ; 1 expert de la Caisse des Dépôts et des Consignations pour les exemples suédois et allemand) à participer à un colloque portant sur “la réforme des retraites en Europe”.

La Fédération, les syndicats CGT de la DGI, de la DGDDI, de la DGCCRF, de l’INSEE, de la Centrale ont participé à cette initiative.

L’évolution attendue des dépenses de retraite dans différents États Européens

Europe :

  • En 2000, les dépenses de retraites représentaient 10,8 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 15,6 % du PIB.

France :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 12,1 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 15,6 % du PIB.

Allemagne :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 11,8 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 16,9 % du PIB.

Espagne :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 13 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 17,5 % du PIB.

Italie :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 13 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 16 % du PIB.

Belgique :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 10 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 13 % du PIB.

Suède :

  • En 2000, les dépenses de retraite représentaient 9 % du PIB.
  • En 2050, les dépenses de retraite devraient représenter 17,7 % du PIB.

Ces chiffres montrent que les différents États européens connaîtront des flux de départ à la retraite importants d’ici 2050. La part des richesses produites consacrée au financement des systèmes de retraite devra donc augmenter de manière significative.

Quelques exemples de réformes :

La Suède.

En 1984, une commission parlementaire réunissant l’ensemble des organisations politiques suédoises a été réunie afin de définir les contenus d’une réforme du financement des retraites.
Un projet de loi a été élaboré en 1995. La loi définitive fut votée en 1998 pour n’être pleinement appliquée qu’à partir de 1999.
Les retraites suédoises sont financées par deux systèmes : répartition d’une part, capitalisation d’autre part.

Un prélèvement de 18,5 % est opéré sur les salaires versés dont 60 % sont payés par les employeurs et 40 % par les salariés. Sur ces 18,5 % :
 16 % sont destinés au paiement des retraités actuels.
 2,5 % sont destinés au financement de la capitalisation (il existe dans ce pays un système d’épargne retraite obligatoire).
Les Suédois sont libres de choisir les “institutions” où ils veulent placer leurs fonds.
Le montant des retraites qui était calculée avant la réforme sur la base des 15 meilleures années est maintenant calculé sur toute la durée de l’activité professionnelle.

L’Allemagne

La réforme des retraites s’est organisée dans le cadre de trois grandes étapes législatives : en 1992, 1997 et 2001.
C’est en 2001, qu’une réforme de dimension historique est intervenue avec la mise en œuvre d’un volet complémentaire par capitalisation comme second pilier de l’assurance vieillesse.

L’épargne retraite individuelle qui reste facultative est “encouragée” par la mise en place d’un crédit d’impôt.
La réforme aura aussi pour objet de faire baisser le taux de remplacement du salaire de 70 % aujourd’hui à 67 % en 2030 (A noter : l’ambition initiale était de faire baisser ce taux à 64 % du salaire).

Le taux des cotisations devrait progressivement augmenter d’ici 2030 pour passer de 19,1 % à 22%.
L’âge légal de la retraite est fixé à 65 ans, il faut cotiser durant 45 ans afin de pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
L’Allemagne a ouvert des droits non contributifs par la prise en compte des années passées au titre de la poursuite d’études universitaires et des périodes de non-emploi.

L’Italie

Le représentant de CISL a indiqué que trois lois ont été adoptées depuis 1992 afin d’organiser la réforme des retraites. La dernière loi adoptée en 1995 devant être pleinement appliquée en 2035…

C’est probablement le pays qui a connu les transformations les plus importantes :
 Les Italiens peuvent partir à la retraite dans une “fourchette d’âge” située entre 57 et 65 ans ! (Augmentation de l’âge de la retraite recherchée).
 Calcul du taux de remplacement sur l’ensemble de la carrière professionnelle.
 Augmentation de nombre des années requises pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
 Désindexation de la revalorisation des pensions sur l’évolution des salaires.
 Harmonisation entre le public et le privé qui a entraîné l’abrogation des régimes spéciaux.
 Application de coefficients de transformation du niveau des retraites versées à certaines catégories de salariés afin de tenir compte des différentiels existants en matière d’espérance de vie.
 Mise en œuvre d’un système de retraite par capitalisation facultatif.
La réforme des retraites ne s’est pas soldée, malgré les batailles revendicatives menées par les organisations syndicales, par la possibilité de départs anticipés pour les salariés qui exercent des travaux pénibles.

L’Espagne

L’âge légal du départ à la retraite est fixé à 65 ans.
La durée de cotisation pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein est de 35 annuités.

Les Espagnols ont également introduit un système “complémentaire” de retraite par capitalisation géré dans un cadre collectif.
Afin de pouvoir financer les retraites dans les prochaines années, un fonds de réserve a été mis en place, comme en France. 1 % du Produit Intérieur Brut par an est destiné au financement de ce fonds.
Le niveau du taux de remplacement n’est pas encore définitivement fixé. Il devrait se situer entre 68 % et 74 %.

Le niveau de ce taux de remplacement sera adapté en fonction de l’évolution de l’emploi et du marché du travail. En effet, l’Espagne est confrontée à deux problèmes importants :
 Un niveau de chômage important.
 Une énorme précarité du travail (le taux de précarité du travail actuel en Espagne est en effet de 40 % !).
L’Espagne incite les salariés à travailler plus longtemps en accordant aux salariés qui cessent leurs activités professionnelles au-delà de l’âge légal des bonifications du montant de la retraite.

Sur le positionnement des organisations syndicales européennes.

Aucune organisation syndicale n’a contesté l’existence d’un choc démographique qui impose de procéder à une réforme du système de retraite.

Cette réforme doit avoir pour premier objet de maintenir la répartition comme pilier fondamental du système de retraite.

Toutefois, les réformes engagées se traduisent dans un certain nombre de pays par une augmentation de l’âge légal requis pour pouvoir partir à la retraite, une dégradation des taux de remplacement, l’augmentation des années de cotisation requises pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Nous pouvons constater le développement de “compléments de pensions” par capitalisation dans des pays comme la Suède, l’Allemagne, l’Italie avec des “variantes différentes” : système obligatoire en Suède, système facultatif en Italie et en Allemagne, ce pays tentant d’inciter à la capitalisation par l’octroi d’avantages fiscaux…

Béatrice Hertogs, représentante de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) à ce colloque, commentant les réformes effectuées dans différents pays, a fait une intervention remarquée.
Dénonçant la montée en puissance des formes de capitalisation et d’individualisation des retraites, elle a critiqué l’attitude des institutions européennes, des compagnies d’assurances et des banques qui, sur la base des problématiques réelles de financement des systèmes de retraite “incitent à la capitalisation et à la mise en œuvre des fonds de pension”.

Béatrice Hertogs a souligné que lorsque l’on parle du dossier “retraite”, on traite d’un “problème social aux implications financières et non l’inverse”. La CES se veut donc force de propositions afin de développer des solutions nouvelles du point de vue des modes de financement afin de sauvegarder les systèmes par répartition.
Il ne saurait y avoir de solution viable en l’absence d’une croissance économique forte en Europe et d’un retour à une situation de plein emploi.

La CES se prononce pour que les États mettent en œuvre un système de prestations définies (âge légal de la retraite, taux de remplacement, nombre des annuités requises pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein, droits non contributifs…), puis d’en tirer les conclusions nécessaires du point de vue des moyens de financement et non l’inverse ( définition d’un système à cotisations définies, ce qu’on fait un certain nombre de pays…).

Les syndicats français ont ensuite, tour à tour, exposé la manière dont ils abordent les modalités de la réforme nécessaire du système de retraite français (Nous ne revenons pas ici sur les différentes positions exprimées par les organisations syndicales françaises qui ont procédé à la définition de revendications communes : voir les 7 points de la déclaration unitaire du 7 janvier 2003).

Pour ce qui concerne l’intervention de la CGT (Jean Christophe Le Duigou et Bernard Thibault), les éléments suivants peuvent être notés :
 Les réformes mises en œuvre dans différents pays mettent en évidence qu’il n’existe pas un modèle de réforme, une solution unique qui s’imposerait à tous.
 Il est absolument nécessaire de préserver le système par répartition (ce qui a été réaffirmé par toutes les organisations syndicales françaises).
 Le dossier “retraite” constitue un enjeu social majeur. Nous allons, dans les semaines qui viennent effectuer un véritable choix de société.

En effet, la réforme du système des retraites est au cœur de plusieurs défis majeurs :
 Défis démographiques.
 Niveau du taux d’activité.
 Lutte contre le chômage et retour à une situation du plein emploi.
 Volume de la croissance.
 Conditions d’inclusion des jeunes générations dans un nouveau pacte intergénérationnel et solidaire.
 Niveau des prélèvements obligatoires, appropriation et redistribution des richesses produites.
 Capacités du mouvement syndical à imposer au Gouvernement et au Medef une négociation afin de réformer le système des retraites dans le sens du progrès social pour tous.
 Capacités de ce même mouvement syndical à être une force réelle de propositions de réformes crédibles, y compris (et surtout) du point de vue des modalités de financement.

Ce colloque a contribué à mieux éclairer encore les enjeux de la réforme des retraites en France en donnant à ce dossier une dimension européenne. Incontestablement, les systèmes de protection sociale constituent une composante essentielle de la construction d’une Europe sociale.

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