Prélèvement à la source : la CGT Finances tire la sonnette d’alarme

Avant de présenter sa réforme au Parlement, Bercy doit convaincre les syndicats de Bercy, très inquiets des conséquences du prélèvement à la source.

Article publié dans le magazine LE POINT sur http://www.lepoint.fr/economie/prelevement-a-la-source-la-cgt-finances-tire-la-sonnette-d-alarme-25-04-2016-2034779_28.php

Un obstacle supplémentaire se dresse sur le chemin du prélèvement de l’impôt à la source : la colère des syndicats de Bercy. L’application est en effet complexe, et les syndicats de l’administration fiscale sont ressortis de la réunion du 14 avril toujours aussi remontés contre la réforme censée entrer en vigueur le 1er janvier 2018. En attendant le vote au Parlement durant l’été, le gouvernement se doit d’abord de convaincre les agents du fisc de la pertinence de cette réforme.

La fraude des entreprises collectrices de l’impôt ?

Sur le papier, le principe paraît simple : prélever l’impôt sur le revenu directement sur le salaire en temps réel, et non plus l’année suivante. Les règles de calcul du taux d’imposition resteront les mêmes et l’administration fiscale devra transmettre ce taux à l’employeur. Ce dernier sera à son tour chargé de prélever le montant et de le reverser à l’administration. Les buts affichés : simplification et justice sociale. Ainsi, une personne se retrouvant au chômage paiera des impôts sur ses revenus actuels, et non plus sur l’année précédente durant laquelle elle travaillait encore.

Pour les syndicats, l’argument de l’adéquation entre les revenus et l’impôt est une illusion. « L’impôt va être payé sur un revenu plus bas, mais le taux d’imposition sera le même », explique Alexandre Derigny, secrétaire général adjoint de CGT Finances. Sauf que la réforme prévoit qu’en cas de changement de situation majeur (comme l’arrivée d’un enfant) le contribuable peut demander à l’administration fiscale de recalculer son taux d’imposition. Le syndicaliste persiste : « Entre la demande faite à l’administration de recalculer et l’application du nouveau taux, il faut un minimum de quatre mois. L’application n’est donc pas immédiate. »

Le syndicat CGT Finances dénonce aussi une multiplication des interlocuteurs. « Il y aura l’entreprise qui va prélever et également les services fiscaux. Cela va rendre le circuit encore plus compliqué », poursuit Alexandre Derigny. Autre problème soulevé, la multiplication des collecteurs. Entreprises, caisses de retraite, notaires… Les syndicats pointent un risque de déperdition du recouvrement de l’impôt. La CGT prête aux entreprises la tentation de garder pour elles-mêmes les sommes collectées… Fantasme ? « Les entreprises avec un problème de trésorerie peuvent très bien ne pas reverser le montant à l’administration fiscale, redoute le syndicaliste. Cela existe déjà avec les phénomènes de fraude à la TVA. » Le cabinet de Michel Sapin préfère se référer au taux de recouvrement des cotisations sociales dans le secteur privé, qui avoisine les 99,5 %. Il y a donc, selon lui, peu de risques que l’entreprise ne reverse pas la somme due. Autre interrogation : le cas des personnes travaillant à l’étranger mais imposées en France. L’entreprise étrangère collectera-t-elle l’impôt ? Le mécanisme n’est à ce jour pas défini.

Le trou noir de "l’année blanche"

La question de l’année blanche est celle qui pose le plus question. En effet, il est prévu que le contribuable paie en 2017 ses impôts sur ses revenus de l’année 2016, puis en 2018 ceux de l’année 2018. Les revenus obtenus en 2017 ne seraient-ils donc pas soumis à l’impôt ? Le risque est de profiter de cette année 2017 pour mettre en place des mécanismes d’optimisation fiscale. Premier point, la réforme s’appliquera seulement aux revenus d’activité (les salaires, les revenus indépendants et les revenus du foncier). Les plus-values mobilières et les revenus du capital ne seront donc pas concernés et resteront taxés normalement. Pas la peine de vendre son portefeuille d’actions pendant l’année 2017, donc. Pour le reste, le gouvernement pense à un dispositif anti-abus. Le principe ? Calculer la moyenne du bénéfice réalisé sur les trois années précédentes et la comparer avec les bénéfices de l’année 2017. S’il dépasse cette moyenne, il sera imposé normalement. Alexandre Derigny est sceptique vis-à-vis de ce mécanisme et affirme qu’il « pose un problème constitutionnel de rupture d’égalité de traitement devant l’impôt ».

Enfin, la question des emplois dans l’administration fiscale se pose. Une étude du think tank Terra Nova affirme que la réforme permettrait d’économiser environ 10 000 emplois dans l’administration fiscale. Les syndicats sont d’un autre avis. « Il va même falloir en créer », selon le cgtiste. Premièrement pour « assurer des missions d’accueil expliquant le nouveau fonctionnement aux contribuables », deuxièmement pour « effectuer le travail de recouvrement » (vérifier le versement de l’impôt auprès de tous les employeurs), troisièmement pour répondre aux demandes des contribuables de recalcul du taux d’imposition en cours d’année. Le cabinet de Michel Sapin se refuse à tout commentaire sur ce point, soulignant que « l’argument de la réforme n’a jamais été l’économie de postes ». Le gouvernement saisira le Conseil d’État en juin pour un avis sur le projet de loi. La réforme sera inscrite dans le projet de loi de finances 2017, qui arrivera durant l’été au Parlement. En attendant, les réunions continuent au ministère pour fixer ces points flous de la réforme.

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