AFD : Iceberg en vue… !
Après des mois et des mois d’interpellations et de mises en garde de la CGT face aux glissements successifs de la politique d’APD et des axes de développement choisis pour le Groupe AFD, nous voici devant le fait accompli : la réorientation complète de l’APD française, débaptisée et rebaptisée « Investissement Solidaire Durable ».
Comme l’a dit une des administratrices de l’AFD, « la loi du 4 août 2021 est bel et bien morte », et d’ajouter « depuis longtemps ».
Adieu donc aux opérations dans les secteurs sociaux : l’éducation dont le portefeuille de projets est déjà au plus plat, la santé où des programmes entiers s’arrêtent net (cf. Initiative - vaccins), les OSC laissées pour compte, etc…
Adieu aussi aux PMA et d’abord à ceux d’Afrique pour lesquels l’engagement d’y consacrer 50 % des moyens de l’APD (cf CICID 2023 , POS V et CPPI 2025) n’est plus tenu depuis 2024 (40% seulement, 33% annoncés en CSEC pour 2025). Alors que l’Afrique, en forte croissance démographique, est et sera encore le continent le plus exposé à la pauvreté et au sous-développement. Qu’en sera-t-il en 2026 si les coupes budgétaires supplémentaires annoncées sont confirmées ? Qu’en sera-t-il quand des agences auront été fermées, ou dans le meilleur des cas transférées à Expertise France, filiale plus menacée encore que l’AFD elle-même par la réduction radicale du programme 209, et demain par celle des subventions de l’UE ?
L’AFD peut donc mettre une bonne partie de son POS V au panier, sauf bien sûr les dispositions très précises pour le seul bénéfice de la composante « Influence » de la politique de Solidarité Internationale de la France (dont les dispositions techniques ont été ajoutées au texte après validation du POS par le CA ! - seul le Représentant du personnel CGT ayant refusé de la voter pour cette raison) : elles prévoient une combinaison renforcée des instruments de financement du Trésor avec ceux de l’AFD puisqu’un nouvel instrument « export » est annoncé pour 2026. Les coupes budgétaires ne touchent donc pas tout le monde !
Que nous explique-t-on aujourd’hui ? Que ces vents contraires vont conduire le navire AFD à rentrer sévèrement de la toile, d’où un plan d’économies annoncé cet été par la Direction sans qu’à cette heure le détail nous en soit révélé. Comme d’ordinaire il nous faut nous contenter de bribes d’information recueillies au fil des remontées du terrain pour tenter de recomposer le puzzle : dans tel Département ou Division le management a reçu instruction de rendre 3, 4 ou 5 ETP, telle agence va fermer, les Directions Régionales vont être privées de leur REP réseau, la suspension des CDD…. Comment ces mesures pourraient-elles être prises sans qu’un plan d’ensemble n’ait déjà été arrêté ? Les élus du personnel sont seulement informés le 8 octobre qu’un plan est en préparation pour 2026 et qu’un autre est à l’étude pour la période 2027 - 2030…. Bien peu crédible.
On nous dit aussi que pour sauver le navire il faut non seulement accepter de jeter par-dessus bord une bonne partie de la cargaison (secteurs sociaux et PMA)… mais aussi en transférer une autre partie sur l’annexe Proparco, destinée à être le « moteur de croissance du Groupe ». Quant à la remorque Expertise France on verra plus tard si elle tient le gros temps… Quand on vous dit que les coupes budgétaires n’ont pas les mêmes effets sur tout le monde !
On ajoute qu’il faut mettre le cap vers les eaux plus accueillantes des pays émergents !
Les Émergents sont pourtant des étendues déjà largement explorées…, et où l’AFD n’est aujourd’hui pas plus attendue que cela. Elle a encore moins d’appâts que naguère après les outrages des réductions de bonifications qui minent sa « compétitivité » (réalité qu’hier encore on faisait mine d’ignorer au CA de l’AFD). Alors, encore un mirage ? Ce ne sera pas le premier après l’illusion entretenue d’une « Mobilisation » salvatrice de la finance privée ou encore de la recette miracle de 3D au Sahel dont on attend encore le vrai bilan des effets.
Mais le plus menaçant pour l’agence est la concordance (fortuite ?) entre le moment où des coupes budgétaires drastiques interviennent (baisse de plus de 50 % de l’enveloppe annuelle de subventions du P 209 par rapport à 2023) et celui où les coûts de la mise à niveau du SI comme ceux de la construction du siège Austerlitz commencent à faire sentir leur poids, lequel continuera à croître à l’avenir.
Une bombe à retardement est amorcée…
Résumons :
Coupes budgétaires => moins d’engagements => baisse de l’encours des prêts => baisse du Produit net bancaire (PNB) de l’AFD.
Baisse du PNB + hausse des charges d’amortissement des infras SI & Austerlitz = > chute du résultat.
L’effet de la hausse des spreads de taux sur les conditions financières aggravant la spirale.
Dans ces circonstances c’est évidemment la seule masse salariale qui sert de variable d’ajustement. Et tous les scénarios sont désormais possibles….
Une question immédiate vient à l’esprit : « Y a-t-il un officier de quart sur la passerelle du navire
Comment la décision de renverser aussi brutalement la vapeur budgétaire peut-elle être prise alors que l’iceberg de la dette technologique et immobilière est en vue ? C’est exactement l’erreur commise par le commandant du Titanic : au lieu de faire machine arrière et donc de laisser l’inertie du navire dicter la trajectoire, il aurait dû au contraire accélérer pour gagner en manœuvrabilité et ainsi s’éloigner du danger.
Mais cette question est-elle nouvelle ? le pilotage de l’agence nous interpelle depuis au moins 5 ans :
- En 2020, les priorités de la Direction furent la réforme du statut du personnel et la construction d’un nouveau siège à Austerlitz. Quant à la refonte et à la modernisation du Système d’Information elle pouvait attendre ! Ce n’est qu’après que les effets d’engagements records (8 à 12 Mds € pour atteindre les 14 Mds en 2019) ont commencé de se faire sentir, les structures fonctionnelles (back et middle offices) étant arrivées à saturation et au bord du burn-out, et sur injonction de l’ACPR (notamment concernant la sécurité du SI), que la Direction a réagi. Le programme Fabrik est lancé en urgence seulement à la mi- 2020. Conduit à marche forcée au moyen de bataillons de consultants son achèvement est repoussé d’année en année, et constitue une charge très lourde d’exploitation, destinée à croître jusqu’en 2029.
- Pendant ce temps-là, l’ivresse de la croissance aidant, le projet Austerlitz était lancé à 843 M Euros (CA du 30 janvier 2020).
- Le recrutement de plus de 1000 nouveaux agents en 5 ans faisait exploser la masse salariale (en dépit de la manipulation statutaire de 2021).
- Et, au même moment, le rapprochement avec Expertise France était lancé, là aussi à grands renforts d’ETP AFD et de consulting. Opération dont on attend toujours de connaître le coût assumé par le seul bilan de l’AFD car aucun « grain à moudre » n’a été apporté par l’actionnaire Etat (qui au contraire a continué de percevoir son dividende annuel).
- N’oublions pas non plus la création de Directions Régionales dont on promettait plus grande efficacité du réseau et même économies de fonctionnement… Voici qu’aujourd’hui on leur retire leurs Responsables d’équipe projet décentralisés : voilà un investissement qui aura assurément été rentabilisé !
Les agents, le CSE, le Conseil d’Administration, doivent sans attendre interpeller l’actionnaire Etat, le Parlement et la Direction pour que le projet mortifère de nouvelles coupes budgétaires soit abandonné
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Que l’Etat actionnaire assume les responsabilités de la stratégie de croissance qu’il a avalisée
AVEC LA CGT, DITES NON A LA CASSE DE L’APD et de l’AFD !
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