Fermetures de la plupart de ses caisses : La Banque de France recule !

La Banque de France a reporté le CSE extraordinaire du 24 novembre lors duquel elle devait annoncer un plan de réorganisation de son réseau fiduciaire. Cette réorganisation pourrait entraîner la fermeture d’une grande majorité des 37 caisses institutionnelles de tri des billets et des centaines de suppressions de postes. Elle conduirait l’institution à se dessaisir de son rôle d’opérateur majeur de la filière en créant et finançant des dépôts auxiliaires de billets chez les transporteurs de fonds. Elle ne serait plus ainsi en mesure de respecter la mission qui lui est confiée par la loi, se repliant sur un rôle minimum de contrôles et de supervision.

Pourtant, le code monétaire et financier confie à la Banque de France « la mission d’assurer l’entretien de la monnaie fiduciaire et de gérer la bonne qualité de sa circulation sur l’ensemble du territoire », ces caisses sont chargées du tri et de la remise en circulation de billets de bonne qualité.

Pour les transporteurs de fonds qui approvisionnent les banques privées à partir des caisses de la Banque de France, chaque fermeture va entraîner un allongement des distances à parcourir pour rejoindre la caisse la plus proche et donc une augmentation des risques d’attaques. En outre, depuis plusieurs années la Banque de France a entamé un processus de privatisation de sa filière fiduciaire, en autorisant les sociétés de transport de fonds privées à trier les billets sans limite légale : plus de 35% du volume en circulation aujourd’hui, qui ne cesseront de croître au fur et à mesure des fermetures de caisses institutionnelles. Des équipages entiers de transporteurs de fonds sont ainsi transformés en opérateurs du tri, payés au SMIC à vie et déqualifiés par rapport au métier très spécifique de transporteur de fonds.

Par ailleurs, en laissant totalement la main aux banques commerciales sur l’implantation des distributeurs automatiques de billets (DAB) et en supprimant les siens, la Banque de France ne garantit pas le libre accès aux espèces de la population sur tout le territoire. Cette politique ne fait qu’aggraver la tendance des réseaux bancaires à faire payer les collectivités locales pour le maintien de DAB, à fermer de petites agences et à transformer les postes des salariés qui les gèrent en emplois d’auto entrepreneurs. L’accès aux espèces pour toutes et tous, sur l’ensemble du territoire, est pourtant une nécessité absolue d’un point de vue social et un impératif non négociable sur le plan des libertés individuelles. L’argent exclusivement numérique nécessite en effet de disposer d’un compte en banque, d’un domicile fixe, de maîtriser les outils numériques, d’avoir un accès permanent au réseau téléphonique et à internet. Les sans domicile fixe, les immigrés, les illettrés, les personnes âgées et les personnes résidant en milieu rural ne remplissent pas toujours l’ensemble de ces conditions. Or, ils sont des millions dans notre pays.

D’autre part, le recours exclusif à l’argent électronique permet une transparence totale et donc un contrôle complet de l’État sur les transactions. Si une certaine dose de contrôle est admissible pour d’évidentes raisons fiscales, un contrôle absolu et permanent de l’État constituerait une atteinte grave et préjudiciable aux libertés individuelles.

Cette stratégie globale de la Banque de France de privatiser la gestion de la monnaie
s’accompagne d’une volonté de l’État de réduire l’utilisation de l’argent liquide, coûteuse pour les banques privées alors que les solutions de paiement électroniques sont exclusivement payantes à contrario de la gratuité de l’usage des espèces. Ainsi, la loi de Finances de 2019 a transféré à des prestataires (la confédération des buralistes a remporté l’appel d’offre public) la charge de recouvrer l’impôt en cas de paiement en liquide ou par carte bancaire. Depuis le 1er janvier, il n’est donc plus possible de payer en numéraire dans les services de la Direction Générale des Finances Publiques, ce qui dépouille cette direction d’une de ses missions, a entraîné la fermeture de la moitié des trésoreries et des centaines de suppressions d’emplois.

Enfin, par ses décisions de fermetures de caisses, la Banque de France accélèrerait le dépérissement des paiements en espèces par une moindre densité de son réseau, et organiserait le transfert d’une part croissante de l’entretien de la monnaie au secteur privé. Secteur qui est en situation de duopole, ce qui la fragilise. Lors d’entretiens récents avec des élus CSE de la Banque de France, le Directeur général en charge du pilotage de cette activité a déclaré que garder les deux sociétés de transport de fonds actuelles en bonne santé financière était indispensable, alors même que des fermetures de caisses leur imposeraient des trajets plus longs et des coûts induits supérieurs. Les patrons de ces sociétés et des 6 grands réseaux bancaires auraient été rencontrés par les dirigeants de la Banque de France, qui semblent donc considérer que la réorganisation fiduciaire de la Banque doit être neutre pour les transporteurs. Cette institution de la République serait-elle donc prête à compenser financièrement la privatisation de sa propre activité fiduciaire, qui constitue sa mission historique, auprès de deux acteurs privés qui se substitueraient à elle ? Au regard des conséquences, la réorganisation de son activité structurante dans la filière fiduciaire relève bien d’un débat public sur le maintien d’un équilibre public-privé qui a fait preuve de sa robustesse lors de la crise du COVID. Ne vaut-t-il pas mieux utiliser l’argent public généré par la Banque de France à conserver son rôle prépondérant dans la filière fiduciaire, plutôt que le dilapider en subventions au secteur privé pour qu’elle puisse s’auto-dessaisir d’une de ses missions de service public ?

Compte-tenu de tous ces enjeux, très structurants pour notre société, nous sommes opposés à toute nouvelle fermeture de caisse de la Banque de France et demandons que ce nouveau délai soit mis à profit pour ouvrir une table ronde sur l’avenir de la filière fiduciaire. Celle-ci réunirait les directions et les représentants des personnels des entreprises du secteur, les élus et les représentants des usagers et des consommateurs.

Paris le 20 novembre 2020

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