Il faut mettre fin au racket par les plus riches !
Interview-débat pour l’Humanité : "Et maintenant, comment changer de politique sociale ?"
A retrouver en ligne : https://www.humanite.fr/en-debat/10-septembre/et-maintenant-comment-changer-de-politique-sociale
Il faut mettre fin au racket par les plus riches et financer nos retraites, notre santé, l’éducation, l’accès aux activités culturelles ou sportives.
Alexandre Derigny
Secrétaire général de la fédération CGT finances
Nous sommes toutes et tous convaincus qu’un changement radical de politique sociale est nécessaire. Les discussions budgétaires pourraient pourtant nous faire douter sur les capacités financières que nous avons pour le mener. La dette est tellement élevée que l’État français serait au bord de la faillite et les collectivités locales sont exsangues. Les libéraux et les gouvernements successifs, avec Bayrou en champion en la matière, n’ont pas cessé d’agiter le chiffon rouge de la dette pour ne pas répondre aux besoins sociaux de la population.
Toutes les arguties les plus farfelues sont bonnes pour manipuler l’opinion comme comparer le budget d’un État à celui d’un ménage. Les contraintes qui pèsent sur ces deux entités sont pourtant très différentes. Par exemple, contrairement à un être humain qui a une durée de vie limitée pour rembourser une créance, l’État, lui, peut se refinancer indéfiniment. D’autre part, on met toujours en avant le rapport entre la dette et le PIB, cela revient à comparer une accumulation de déficits successifs au cours du temps avec les revenus d’une année, dans ce cas les libéraux se gardent bien de faire un même parallèle avec les ménages.
Aucun banquier n’est embarrassé à l’idée d’octroyer un prêt de 200 000 euros pour l’acquisition d’une habitation à un ménage ayant 50 000 euros de revenus annuels, pourtant leur dette s’élèverait à 400 % de leurs revenus annuels. Mais ce qui importe, État ou ménage, c’est leur capacité à rembourser les échéances chaque mois. Enfin, l’essentiel est de savoir pourquoi l’on s’endette. La dette est un cumul d’investissements que nous engageons. C’est l’intérêt social et la pertinence économique de ceux-ci qui devraient être en question.
Le 19 octobre 1945, le gouvernement provisoire de la République française institue officiellement, par ordonnance, le régime général de la Sécurité sociale qui a été dessiné et sera effectivement mis en place par le ministre du Travail, Ambroise Croizat. La France était alors réellement ruinée et ce fut pourtant un investissement extrêmement rentable pour l’ensemble de la population. Or, aujourd’hui, alors que la France n’a jamais détenu autant de richesses et compté parmi elle autant de milliardaires, on voudrait nous faire croire qu’il est impossible de financer nos retraites, notre santé, l’éducation, l’accès à des activités culturelles ou sportives ?
Pour cela, il faut cesser de jeter l’argent par les fenêtres comme en octroyant chaque année 211 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises sans aucun contrôle ni contrepartie, il faut taxer les patrimoines qui se sont accumulés, réformer la fiscalité pour taxer chacun à hauteur de ses moyens et réarmer les services de contrôle afin de mettre fin au racket organisé par les plus riches et les plus grandes entreprises dans le cadre de la fraude fiscale, ce qui nous coûte plus de 80 milliards chaque année.
Alors oui, nous avons besoin d’un changement de politique sociale et, oui, nous avons parfaitement les moyens de le financer !