Interview de Thierry Le Paon

1/ Le 50e Congrès de la CGT s’est tenu il y a quelques semaines maintenant. Quels sont selon toi les dossiers revendicatifs prioritaires dans la période ?

Plus que jamais notre triptyque : salaires, emploi, protection sociale. Augmenter les salaires d’abord. C’est une condition de la sortie progressiste de crise. Le SMIC doit être porté à 1700 euros pour que nous reconstruisions partout des grilles salariales à partir de ce salaire minimum d’embauche sans qualification.

Agir pour l’emploi. Les chiffres récents du chômage et les prévisions de l’Unedic montrent une situation d’urgence. J’ajoute que l’action doit viser à la fois le volume d’emplois et les conditions d’emploi. La récente loi permettant d’infliger encore plus de flexibilité aux salariés est le contre-exemple de ce qu’il faut faire en la matière.
Enfin, la protection sociale. Augmenter les salaires et le volume d’emplois stables permettrait largement de régler la question fondamentale du financement et de l’équilibre des caisses de sécurité sociale. Au lieu de cela, le gouvernement projette une nouvelle réforme de la retraite en jouant sur les autres paramètres : le montant des retraites et pensions, la durée des cotisations, l’âge légal de départ…

Quel que soit l’ordre du jour de la Conférence sociale des 20 et 21 juin, la CGT portera très haut ces trois dossiers revendicatifs.

2/ Une des grandes revendications de la CGT, réaffirmée lors du dernier congrès, est la mise en place d’un véritable pôle financier public. Comment faire partager largement cette revendication par les citoyens ?

La question doit d’abord être portée par les syndiqués et mise entre les mains des salariés. D’ailleurs, dans nombre d’entreprises soumises au sous-investissement, à la diminution des capacités de production, aux restructurations, aux fermetures de site, la question est posée à un moment ou un autre par les salariés, sous différentes formes.

J’ajoute que les banques ne jouent pas leur rôle d’intermédiaire pour financer l’économie. Les PME souffrent donc cruellement de la difficulté d’accès au crédit et cela hypothèque leur développement, quelquefois leur pérennité. Je pense enfin aux filières industrielles à reconstruire ou à créer de toutes pièces, aux entreprises innovantes aux filières stratégiques et liées à l’indépendance nationale. C’est le cas de la filière énergétique, des transports, des télécommunications, de la microélectronique, de l’aéronautique, du spatial, des biotechnologies…

Pour toutes les actions, il y a besoin d’engagements sur le long terme, d’une stabilité des acteurs, quelquefois de prises de risques ou d’une forme de volontarisme. à partir des besoins exprimés dans les territoires, sur la base des revendications des salariés pour le développement économique, nous pourrons faire partager aux différents acteurs locaux et nationaux cette revendication d’un pôle financier public. Dans les régions, beaucoup en ressentent la nécessité.

3/ Depuis l’affaire Cahuzac, les enjeux de fraude fiscale et sociale sont au cœur du débat public. Quelles sont les propositions de la CGT pour y faire face ?

C’est d’abord une question de volonté politique. Ce que l’on appelle « l’affaire Cahuzac », n’a été qu’un révélateur. La publication presque simultanée des 2,5 millions de fichiers de plus de 120 000 sociétés–écran par offshore-Leaks et la crise chypriote ont apporté une lumière crue sur des pratiques connues depuis de nombreuses années, rendues possibles, permises, voire encouragées par les législations en vigueur.

J’observe d’ailleurs que l’on parle, quelquefois indistinctement, d’« évasion fiscale », de « fraude », « d’optimisation fiscale ». Ce flottement dans l’utilisation du vocabulaire montre bien que la limite est étroite entre le légal et l’illégal pour ces gigantesques flux d’argent qui concernent les particuliers et surtout les entreprises.

Des mesures techniques, administratives et judiciaires sont certes utiles dans un premier temps : échange automatique de données, modifications des règles sur l’acquittement des obligations fiscales et sociales… C’est pourtant très insuffisant, c’est toujours le jeu du gendarme et du voleur.

Il est nécessaire de s’attaquer à la racine du mal et de rompre avec des politiques européennes et nationales qui mettent en concurrence les territoires, donnent le cadre juridique au dumping fiscal et social, en France, en Europe et dans le monde.

Il s’agit donc aussi d’opérer un renversement idéologique et une inversion des discours sur l’impôt et les prélèvements sociaux. L’exemplarité, j’allais parler de la vertu des dirigeants, est donc une autre condition de la lutte contre la fraude fiscale et sociale.

Les moyens nécessaires pour la perception de l’impôt doivent également être donnés aux agents, aussi bien en termes de moyens humains et matériels que par une réorientation des finalités de leurs missions.

J’ajoute que des droits nouveaux, pour les salariés dans les entreprises, permettraient de limiter les velléités de fraude des directions les plus indélicates dans les entreprises.

4/ Comme tu le sais, nos lecteurs sont très attachés aux missions de service public. Comment la CGT compte s’emparer du débat sur le rôle et la place de l’État ?

Cette question est liée aux deux précédentes. Elle est centrale pour sortir enfin d’une période d’une quarantaine d’années, ouverte dans les années soixante-dix aux USA. Souvenons-nous des formules toutes faites des libéraux en économie, les Reagan, Thatcher et autres : « l’État n’est pas la solution, c’est le problème », « Moins d’État mais mieux d’État ».

Nous voyons où nous ont conduit ces politiques. Quand l’État recule, c’est le marché qui avance ! Le secteur financier a été contraint d’appeler les États au secours en 2008 !

Le Conseil Économique Social et Environnemental lui-même, considère, dans un avis, que nous avons besoin d’un État stratège. C’est vrai.

L’État doit se donner des moyens et capacités d’action pour le développement économique et social. Ces moyens sont à la fois financiers et juridiques pour pouvoir intervenir. Cependant des moyens peuvent exister et n’être jamais mobilisés.

Il faut donc aussi des capacités d’action. C’est donc à la question des hommes et des femmes, de leur capacité à décider, de leur volonté, de leur recrutement et de leur formation qui est posée.

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