Pots de terre et pots de fer

Et si les affaires LuxLeaks ou UBS France, largement médiatisées, dans lesquelles les lanceurs d’alerte, malgré le bien-fondé reconnu de leur intervention, ont finalement été sanctionnés, avaient pour effet de dissuader les salariés des grandes entreprises de dénoncer des faits dont ils ont connaissance ?

Selon le baromètre BVA/Cercle d’éthique des affaires/La Poste, lancé en 2012 un quart des salariés des grandes entreprises n’hésiteraient pas à lancer une alerte pour témoigner d’un problème éthique, mais cette proportion a nettement baissé en un an. Globalement, près de 9 salariés sur 10 se déclarent « probablement » ou « certainement » prêts à dénoncer des faits graves, comme en 2014 et 2015. Mais la proportion des salariés certains de le faire s’effondre de 21 points en un an. Signe d’une « méfiance plus prononcée » en 2016, moins de 6 salariés sur 10 (59 %) font confiance à leur entreprise pour assurer leur protection et garantir leur anonymat s’ils devenaient lanceurs d’alerte. Ils étaient les trois quarts en 2015 (74 %).

Ces résultats démontrent, si besoin en était, que les salariés, les cadres en particulier n’ont aucune vocation de martyrs et que notre pays a besoin de mettre en œuvre un statut protecteur des lanceurs d’alerte. Certes, il est prévu par la loi Sapin 2 adoptée en novembre. Elle a créé un statut du lanceur d’alerte et renforcé la protection des salariés. Elle oblige aussi les entreprises de plus de 50 personnes, les communes de plus de 10 000 habitants et l’administration à mettre en place des procédures de recueil des alertes. Un salarié sur deux indique connaître un dispositif d’alerte dans son entreprise (un numéro de téléphone ou une adresse dédiée) et 73 % jugent « positive » l’évolution des comportements éthiques dans leur entreprise, mais sur ce point le jugement recule de 3 points.

Ce qui ressort de ce baromètre, c’est aussi que pour discuter une question d’éthique ou de déontologie, les salariés feraient d’abord confiance à un représentant du personnel (75 %) ou au responsable éthique de l’entreprise (74 %), avant un collègue (65 %) ou leur supérieur hiérarchique (64 %). Ces chiffres confirment donc une confiance dans les syndicats qui ont vocation à s’emparer de ces questions tandis que la loi Sapin 2 prévoit la possibilité de porter l’alerte devant les ordres professionnels. « Cette disposition, introduite par le Sénat, travestit les missions des ordres professionnels et introduit un dangereux mélange des genres. Dévolus, comme leur nom l’indique, à des questions strictement professionnelles, ils n’ont pas, contrairement aux organisations syndicales, de mission d’intérêt général.

Oser donner une place aux ordres professionnels tout en excluant les organisations syndicales démontre encore une fois la totale ignorance des parlementaires des réalités du monde du travail » avait réagi l’Ugict-CGT lors de l’adoption du texte qui comporte certes des aspects progressistes.

Mais l’Ugict-CGT regrette cependant que ses propositions d’articulation de la procédure d’alerte avec les Institutions Représentatives du Personnel (IRP) et les organisations syndicales n’aient pas été retenues. La pluralité des recours et la possibilité pour le salarié de porter à toutes les étapes l’alerte devant les IRP et les organisations syndicales est pourtant une garantie de l’effectivité du droit à l’alerte.

L’enjeu c’est de ne plus laisser seuls les lanceurs d’alerte dans le combat du pot de terre contre le pot de fer.

Article publié sur www.ugict.cgt.fr

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