la « loi spéciale » n’est pas un « shutdown » à la française !
Aux Etats-Unis, quand le parlement n’arrive pas à se mettre d’accord pour voter un budget, passé une certaine date, cela provoque un « government shutdown ».
Le congrès ayant échoué à autoriser les dépenses, l’administration fédérale ferme. Les fonctionnaires fédéraux ne sont plus payés, y compris ceux qui ne sont pas mis en congés forcés car ils remplissent des missions jugées essentielles (militaires, hôpitaux etc...). Des programmes fédéraux sont mis à l’arrêt.
Et en France ? Entre autres outils juridiques et constitutionnels permettant d’adopter un budget sans vote ; la « loi spéciale » permet une continuité de l’État et des administrations publiques.
Comme l’année dernière le gouvernement a recours, en l’absence de budget voté, à une loi spéciale. Celle-ci assure la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services.
La loi spéciale ne prévoit pas de dépenses mais uniquement des recettes, impôts et autorisations d’emprunts.
Des décrets ouvrent ensuite les crédits dans la limite des services votés, c’est à dire de ce qui a été décidé dans la loi de finances votée l’année précédente, la loi de finance 2025 votée en Févier 2025.
La loi organique relative aux lois de finances est très claire dans son article 45 (nous soulignons) :
Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution, représentent le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement. Ils ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l’année.
La limitation maximale qui s’impose au gouvernement correspond aux crédits votés pour 2025.
Ainsi, lorsque la Ministre Montchalin déclare qu’en cas de loi spéciale, « on suspend tout ce qui n’est pas essentiel », c’est un mensonge, le gouvernement suspend ce qu’il JUGE non essentiel.
Ainsi pas exemple du dispositif « ma prime rénov » ; la loi de finances 2025 (votée en février dernier) avait prévu 3,4 milliards d’euros de crédits d’intervention pour ce dispositif.
La loi spéciale permet donc au gouvernement d’ouvrir des crédits pour ce dispositif à hauteur maximale de ce qui a été voté pour 2025. Si le guichet ferme, il s’agit d’une décision politique signifiant que le gouvernement JUGE ces dépenses non-essentielles.
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Comme l’année dernière, le gouvernement macroniste va geler un maximum de dépenses pour faire pression sur le parlement élu pendant les discussions budgétaires qui vont devoir reprendre.
Ces gouvernements rêvent d’un « shutdown » leur permettant de mener un chantage, mais c’est un mensonge.
La loi spéciale est une forme de reconduction du budget de l’année précédente, elle n’est pas synonyme de famine budgétaire. Si le gouvernement prend la décision de couper les vivres à différents secteurs, c’est de sa responsabilité et ce n’est pas « obligatoire ».
Évidement, la mise en place de la loi spéciale n’est pas une bonne nouvelle, d’abord parce que le budget 2025 n’était pas un budget de justice et de progrès social, et ensuite parce qu’en absence d’adaptation, l’application du budget de l’année précédente va poser de multiples difficultés, par exemple l’absence de revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu.
Il nous faut cependant nous battre pour qu’à minima, le temps que nous serons sous loi spéciale, les budgets existants soient débloqués et que ce gouvernement cesse ses chantages menaçant les politiques publiques.
En résumé, avec l’adoption d’une loi spéciale et ses décrets :
on peut :
– > recourir à l’emprunt,
– > percevoir l’impôt déjà existant,
– > engager des dépenses dans la limite des crédits de l’année précédente,
– > poursuivre des investissements,
– > prévoir des recrutements,
– > maintenir les dotations aux collectivités locales.
on ne peut pas :
x revoir la fiscalité
x engager des dépenses supérieures à celles de l’année précédente.