50 nuances d’évasion fiscale

Le nouveau rapport d’Eurodad (European network on debt an development) intitulé « 50 nuances d’évasion fiscales » (fruit du travail d’une quinzaine d’organisations non gouvernementales) fait ressortir le décalage croissant entre les paroles des dirigeants français sur ces questions et leurs actes. Il souligne également la spoliation des pays « du sud » par les mécanismes d’optimisation, d’évasion et de fraudes fiscales.

Les dirigeants français ont pu paraître il n’y a pas si longtemps à la pointe de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale par exemple en prenant des mesures obligeant à la transparence par la publication des données sur les activités économiques des banques pays par pays.

Mais ces derniers temps et malgré des déclarations sans ambiguïté :

  • « Nous devons garantir que le lieu où les entreprises réalisent réellement leurs bénéfices est aussi le lieu où elles sont imposées », Pierre Moscovici ;
  • « Les particuliers et les entreprises doivent payer leurs impôts, et personne n’a le droit même légalement de se placer au-delà de cette obligation » Michel Sapin ;
    nos dirigeants ont été à la pointe de la défense des intérêts des plus grosses multinationales, des rentiers (privilégiant les « revenus » du capital) et des spéculateurs.

Par exemple, lors de la conférence sur le financement du développement à Addis Abeba en juillet dernier, la France s’est opposée vigoureusement à la création d’un nouvel organisme fiscal international. Cette proposition est pourtant soutenue par le parlement européen. Un tel organisme dépendant de l’ONU permettrait d’inclure tous les pays membres, de façon égalitaire, aux négociations, recommandations et décisions concernant la fiscalité internationale.

En effet, aujourd’hui, ce sont les pays membres de l’OCDE qui « pilotent » la politique fiscale internationale. Or, il n’y a que 34 pays membres de l’OCDE, dont un seul pays d’Amérique latine (Chili), un pays d’Amérique centrale (Mexique), et aucun pays issu du continent africain.

Les études montrent pourtant, et le rapport le souligne encore, que ce sont les pays en développement les premières victimes de l’optimisation, de l’évasion et de la fraude fiscale. En effet, les multinationales sont les actrices principales de l’évasion, et leur lieu de décision se trouve fréquemment dans les pays développés.

Le quasi-monopole des pays de l’OCDE dans la détermination de la fiscalité internationale n’est pas neutre. Ainsi par exemple, pour les conventions fiscales (accord bi-latéraux entre pays) c’est le « modèle OCDE » qui est le plus souvent utilisé, et dans le cas de la France exclusivement utilisé.

Un fonctionnaire du marché commun pour l’Afrique orientale et australe cité par le rapport souligne que « ...l’initiative de négocier une convention de double imposition vient des multinationales ».

Ces conventions, dont l’OCDE reconnaît elle-même qu’elles permettent parfois la non-imposition des multinationales, sont en outre porteuses d’inégalités entre les pays développés et en développement. Ainsi, elles donnent davantage de droits à taxer aux pays source des capitaux, (et des lieux de décisions), par exemple la France, et moins au pays où l’activité économique est réalisée. Sans compter que la mise en œuvre d’une convention fiscale a un impact sur l’organisation interne du système fiscal des pays en développement.

Une alternative existe pourtant : les conventions « modèles Nations-unies » moins inégalitaires sur le partage du « droit à taxer ». La France y est opposée, alors qu’elle est, derrière le Royaume-Uni, le pays qui signe le plus de conventions fiscales avec les pays en développement.

On voit donc que l’optimisation, l’évasion et la fraude fiscale sont des fléaux qui frappent les plus pauvres, au sein des pays où elles sont le fait des plus grosses entreprises et des particuliers les plus riches, et entre les pays où les pays les plus riches contrôlant les instances internationales organisent un système fiscal profitant aux multinationales les plus puissantes.

Les positions de nos gouvernants sur les enjeux de fiscalité internationale, sont totalement cohérentes avec la politique économique et sociale menée dans notre pays : jouer la carte du moins-disant social et fiscal (CICE, CIR, etc...) espérant complaire ainsi au capital. Mais celui-ci n’en n’a jamais assez et ces politiques de mise en concurrence des peuples ne lui permettent que d’être toujours plus gourmand au détriment de la satisfaction des besoins sociaux.

Retrouvez l’intégralité du rapport « 50 nuances d’évasion fiscales » sur le site de l’association CCFD-Terre solidaire et nos propositions pour une fiscalité juste et efficace qui réponde aux besoins sociaux sur notre site www.justicefiscale.fr.

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