Budget 2005 : intervention de Jean-Christophe Le Duigou

La CGT, en l’occurrence la Confédération, la Fédération,CGT des Finances, ses syndicats des Impôts et du Trésor, ont souhaité saisir l’opportunité de la présentation du budget 2005 pour apporter une contribution au nécessaire débat sur l’évolution de la fiscalité française.

La CGT porte une appréciation négative sur le projet de Loi de Finances présenté par Nicolas Sarkozy.

C’est le budget le plus dur pour les services publics depuis dix ans au moins. Et malgré des mesures en trompe l’oeil comme l’augmentation de 4 % de la prime pour l’emploi, ce budget est particulièrement injuste socialement : si contrairement aux années précédentes il n’y a pas de diminution des taux de l’impôt sur le revenu, la réforme des droits de succession (après l’exonération des donations inter vivos réalisée par la loi Sarkozy dite pour le développement de la consommation du 9 août dernier), l’aide aux emplois à domicile et d’autres mesures favoriseront d’abord les ménages les plus aisés.

En second lieu, il se caractérise par la pratique de la cavalerie budgétaire. En recourant aux techniques du crédit d’impôt ou de la réduction d’impôts, de préférence aux subventions (la réforme du prêt à taux 0 est caractéristique de cette logique), il diminue dans l’immédiat le déficit, puisque ces mesures ne porteront leurs effets que dans 1 ou 2 ans du fait de l’écart entre la date de perception des revenus et celle du paiement de l’impôt.

Mais la CGT n’entend pas se limiter à une critique. Elle entend construire, elle veut présenter des propositions pour une autre politique fiscale dans un débat qui se résume par trop à un affrontement assez stérile sur le « niveau des prélèvements obligatoires ».

La CGT partage l’opinion de tous ceux qui, face au discours dominant porté par les libéraux de la majorité et par le MEDEF, refusent de voir dans la pression fiscale la dimension essentielle du « mal français ». Le dernier rapport du Conseil des impôts conforte notre argumentation puisqu’il montre le faible impact de la fiscalité sur la localisation des entreprises. Mais nous ne croyons pas que pour être compris par l’opinion publique, y compris les salariés aux revenus faibles ou moyens, il suffise de s’écrier « vive l’impôt ». Pour réhabiliter l’impôt, il faut le réformer profondément.

Nous ne rêvons pas à un grand soir fiscal qui ferait fi des réalités économiques et sociales. Cela n’empêche pas de réfléchir à des mesures ambitieuses pour plus de justice, pour plus de solidarité, et pour plus d’efficacité économique.

L’impôt peut être plus juste.

La France est le pays développé où la place des impôts progressifs (IR et droits de succession) est l’une des plus faibles. C’’est pourtant ceux-ci que le gouvernement choisit de faire diminuer. Nous proposons à l’inverse une réforme de l’impôt sur le revenu qui traite sur un pied d’égalité revenu du travail et revenu de la propriété. Cela augmente son rendement, ce qui permettrait corrélativement de limiter les impôts indirects comme la TVA qui sont anti-redistributifs. Il faut aussi remettre en cause les niches fiscales et remettre à plat la multitude des crédits d’impôts et réductions d’impôts existant actuellement.

L’impôt doit être plus solidaire.

C’est l’un des enjeux de la réforme de la fiscalité locale. La décentralisation sans solidarité, c’est un cocktail explosif. Il faut donc viser à une plus grande solidarité entre les territoires, et organiser des péréquations entre les régions les plus riches, celles dont le potentiel fiscal est le plus important, et les régions pauvres, en particulier les régions sinistrées par les restructurations et la désindustrialisation. Cette exigence de solidarité concerne également les populations les plus fragiles. La question du logement social, dans l’ensemble de ses dimensions (secteur locatif comme accession sociale à la propriété) se pose aujourd’hui de manière cruciale. Le plan Borloo se donne des objectifs mais n’a pas les moyens correspondants.

L’impôt a besoin d’être économiquement plus efficace.

C’est l’un des enjeux de la réforme des impôts fonciers et de la nécessaire réforme de la taxe professionnelle. Au lieu d’être supprimée, cette dernière doit être réformée profondément de manière à être une véritable taxe pour l’efficacité économique et sociale. L’une des fonctions devrait être de responsabiliser les entreprises sur le développement des territoires. Une autre question essentielle est celle de la réforme de l’impôt sur les sociétés. Si les taux apparents de l’IS apparaissent élevés en France par rapport aux autres pays de l’UE, cela est compensé par des bases fiscales qui sont relativement étroites et des régimes dérogatoires particulièrement avantageux. Une réforme globale de l’IS est nécessaire, qui porte à la fois sur l’assiette et les taux.

Une fiscalité plus efficace économiquement suppose une réforme des cotisations sociales. La politique d’exonération des cotisations a montré ses limites et génère dorénavant de forts effets négatifs. Nous rappelons que la CGT se prononce pour une extinction progressive de ces exonérations, en lien avec la réforme de l’assiette des cotisations patronales. Cette mesure, outre qu’elle favoriserait le développement de l’emploi stable et qualifié, exercerait un impact important sur l’équilibre des finances publiques puisque les compensations d’exonérations représentent une charge budgétaire de plus de 17 Mds € par an.

Enfin pour conclure, il est impossible de traiter la question de la fiscalité sans la rapporter à l’enjeu européen. Le dumping fiscal est aujourd’hui une menace réelle, en particulier dans le contexte de l’Europe à 25. Une harmonisation tant des taux que des bases des impôts payés par les entreprises (en particulier l’impôt sur les sociétés) est indispensable à la construction d’un modèle social européen qui représente un progrès social pour les salariés européens.

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