Procès carbone « l’escroquerie du siècle » !

Ce mois de mai 2016 se tient à Paris le procès de « l’escroquerie du siècle », dixit la Cour des Comptes : la fraude à la TVA sur les quotas de CO2. Le volet qui est jugé ces jours-ci représente près de 300 millions de fraude, tandis que la Cour des Comptes estime le total de la fraude à 1,6 milliards d’euros pour la France, sans compter celle mise en place dans d’autres pays européens évaluée elle à 5 milliards d’euros.

Cette gigantesque arnaque s’est déroulée sur quelques mois en France, entre l’automne 2008 et juin 2009, date à laquelle le gouvernement décida... d’exonérer de TVA les échanges de quotas.

Cette fraude fiscale s’est développée à partir du système européen de quotas d’émissions de carbone. Sur ce marché, les entreprises qui relâchent plus de CO2 que le quota qui leur est autorisé doivent acheter des « droits d’émission » à celles qui en relâchent moins que le plafond.

Le marché des quotas de CO2 a été mis en place par l’Union européenne à la suite de la signature du protocole de Kyoto, principal texte d’application de la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ce protocole engage, de façon juridiquement contraignante, les pays signataires à réduire leurs émissions.

Cette escroquerie repose sur le schéma de fraude dit « carrousel TVA » (voir explications plus détaillées dans notre brochure sur la fiscalité des entreprises) ou fraude à la TVA intracommunautaire qui représente chaque année de 60 à 100 milliards de manque à gagner en Europe.

L’entreprise fraudeuse s’inscrit sur le registre carbone, éventuellement sous une fausse identité, puis ouvre des comptes dans des établissements bancaires peu regardants.
Le matin, elle achète un quota de CO2, hors-taxe, à l’étranger dans un État membre de l’Union européenne. Les quotas sont ensuite revendus TTC à des sociétés françaises. La TVA n’est jamais reversée à l’État et les sommes gagnées (marges + TVA) sont vite transférées sur un compte à l’étranger au travers de sociétés écrans. Le premier compte à l’étranger est rapidement fermé, rendant très difficile la récupération des fonds détournés.

Ce scandale pose la question des moyens de lutter contre la fraude. En effet, alors que les services du ministère chargés de lutter contre la fraude, comme Tracfin (cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), soupçonnent des irrégularités dès 2007. La réponse des politiques face à cette fraude a été de supprimer l’impôt, en l’occurrence la TVA, démarche inédite, et aveux d’impuissance terrible.

C’est pourquoi, il est essentiel de réarmer toute la chaîne du contrôle fiscal. Il faut donner des moyens juridiques nouveaux aux services fiscaux mais surtout fournir les moyens humains nécessaires afin de lutter efficacement contre tout type de fraude, alors-même que nos services subissent une saignée ininterrompue depuis plus d’une décennie. On voit par cet exemple caricatural où l’absence de moyens et de volonté politique de lutter contre la fraude peut mener à l’incapacité pour la puissance publique de lever l’impôt et donc de répondre aux besoins sociaux.

Enfin, il est urgent d’harmoniser la législation fiscale et sociale dans le sens du progrès pour les travailleurs au niveau européen. Le cœur de la fraude à la TVA « carbone » est l’absence d’harmonisation des régimes fiscaux des pays européens, alors même que nos dirigeants justifient les attaques contre nos services de contrôles par l’existence de l’Union européenne.

L’escroquerie aux quotas carbone pose aussi la question des mécanismes de lutte contre le réchauffement climatique, et plus largement des politiques de préservations de l’environnement.

En effet, au-delà de l’arnaque à la TVA (qui représentait début 2009 en France, 90% des échanges de quotas carbone), le marché mis en place a favorisé la spéculation financière, sans avoir démontré son efficacité dans la lutte contre les émissions de CO2.

De plus, livrer le pilotage de la transition vers une société bas-carbone aux spéculateurs est irresponsable et incompatible avec toute politique industrielle.

Il faut donc en sortir ! Concrètement, les revenus générés par la mise aux enchères des quotas d’émission devraient être affectés à l’innovation industrielle bas-carbone et à la reconversion et la formation des salariés des secteurs affectés par la décarbonisation de l’économie.

Un mécanisme d’assurance carbone devrait permettre de conditionner l’octroi de quotas au maintien de la production industrielle.

De plus, un système de traçabilité du carbone permettrait de connaître l’empreinte carbone des produits importés sur le marché européen. Il pourrait servir de base à un mécanisme d’ajustement aux frontières (voir table ronde : un protectionnisme économique, social et environnemental c’est moderne !), évitant la délocalisation des activités industrielles vers des régions ou pays moins exigeants dans leur politique climatique. L’utilisation de crédits internationaux (mécanisme de développement propre) doit être limitée quantitativement et qualitativement.

Ce mécanisme doit être complémentaire aux efforts de réductions principalement accomplis dans le cadre national. Les projets doivent respecter les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail ainsi que les conventions 155 (santé et sécurité des travailleurs) et 169 (peuples indigènes et tribaux). Ils doivent réellement contribuer au développement durable des pays les plus pauvres.

En outre, donner un prix au carbone ne se traduit pas forcément par la mise en place d’un marché de droits d’émission. Il peut aussi se traduire concrètement par une taxe, une contribution, des normes d’émissions ou l’utilisation d’une valeur tutélaire du carbone pour les investissements. La création de nouvelles taxes ou contribution « environnementale » doit toujours répondre à la nécessité de la simplicité et de la justice, en clair, faire payer les capitalistes responsables de la dégradation de notre environnement et non pas les consommateurs captifs.

Enfin, donner un prix au carbone, c’est commencer par ne pas fausser son coût en le subventionnant. C’est pourquoi, il faut aussi réorienter peu à peu les actuels soutiens financiers et fiscaux aux énergies fossiles pour les diriger vers les énergies renouvelables. En 2013, l’OCDE a identifié, dans les 40 pays étudiés, 700 mesures d’allègements fiscaux, d’incitations ou de financements directs pour les combustibles fossiles.

Retrouvez les analyses et propositions de la fédération des Finances CGT dans la brochure : les Finances au cœur des enjeux environnementaux

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