Prélèvement à la source, l’exécutif à l’heure du choix

Alors qu’Emmanuel Macron et le premier ministre attendent demain « des réponses claires » sur le prélèvement à la source, une note interne citée par le Parisien évoque jusqu’à 352 000 erreurs en phase de test du système.

Article publié sur humanite.fr

Prélèvements à multiples reprises de la même personne, attribution du mauvais taux… jusqu’à 352 000 erreurs ou anomalies ont été répertoriées, touchant « des milliers de contribuables voire plus » durant la phase d’essai de retenue des impôts à la source réalisée auprès d’entreprises entre janvier et juin 2018, révèle une note interne de la direction générale des finances publiques publiée ce week-end par le Parisien. Or il n’y aurait « a priori pas moyen de (se) prémunir » de certaines de ces erreurs, prévient la note.

Pourtant, la réforme, prévue pour entrer en application au 1er janvier 2019, était censée être un havre de paix, la fin du casse-tête et de l’angoisse. Cette mesure, déjà engagée puis repoussée sous le quinquennat de François Hollande, afin que l’impôt soit directement collecté sur les salaires ou les pensions, devait être la clé pour faciliter la vie des contribuables. Telle était la ritournelle également chantée par l’exécutif macroniste depuis le lancement de la campagne officielle.

LE CHEF DE L’ÉTAT ENVISAGE SÉRIEUSEMENT LE REPORT

D’ailleurs, lorsque « nous soulevions la question informatique, on nous a toujours répondu que tout était sous contrôle, et maîtrisé », déclarait, hier, Anne Guyot-Welke, de Solidaires finances. Depuis une semaine, le disque semble toutefois rayé.

À quatre mois de la mise en application, le chef de l’État envisage sérieusement le report, voire même son abandon. Et même si le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, continue d’assurer que le dispositif « fonctionne » et « est prêt », et que les « erreurs ont été depuis résolues », ce dernier est sommé d’apporter « des réponses claires » à Emmanuel Macron et à son premier ministre, Édouard Philippe, qu’il rencontrera demain.

Pour les syndicats, c’est déjà tout vu. « Personne n’est fichu de dire à 100 % si cela va fonctionner normalement », résume Olivier Vadebout, secrétaire général CGT finances publiques. « Le système d’impôt sur le revenu progressif et conjugalisé (mode d’imposition familiale, et non individualisé) est trop complexe pour le prélèvement à la source », résume Alexandre Dérigny, secrétaire général de la CGT finances.

À cela s’ajoutent les très nombreuses niches fiscales. « Tout cela multiplie les situations, les taux et donc les bugs informatiques potentiels », note un autre spécialiste des finances publiques. La multiplication des acteurs est également un facteur d’erreurs, explique Alexandre Dérigny.

« Aujourd’hui, le contribuable n’a qu’un seul interlocuteur, le service des impôts, c’est-à-dire des professionnels expérimentés. Mais, à partir de janvier 2019, les contribuables, en fonction de leur situation, devront s’adresser au service du personnel de leur entreprise pour les salariés, à la caisse de retraite pour les retraités et à Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi (qui deviennent collecteurs des impôts à la place du fisc), mais aussi au service des impôts puisqu’il faut continuer à faire des déclarations, et prévenir de tout changement, etc. » « Ce sont plusieurs systèmes d’information qui doivent coexister. Vu la taille, il va forcément y avoir des bugs », assure Olivier Vadebout.

Outre les bugs, les agents pointent également un potentiel manque à gagner sur le recouvrement, en prenant l’exemple de la TVA, collectée par les entreprises. Selon l’étude de la Commission européenne, datant de 2015, « l’écart de TVA », à savoir la différence entre les recettes de TVA attendues et perçues, serait en France d’environ 12 %, alors qu’aujourd’hui le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu est de 98 %. Or, pour la CGT, il était possible d’« améliorer l’outil de mensualisation déjà existant », note Alexandre Dérigny. « À moins, alerte-t-il, que le gouvernement ne cherche au travers du prélèvement à la source à casser la progressivité du système en supprimant des tranches au prétexte d’une simplification pour in fine arriver à un taux d’imposition sur le revenu individuel et unique. »

En attendant la décision de l’exécutif et sans doute pour atténuer les craintes et le « manque de sérieux » du gouvernement, Gérald Darmanin pointe l’effet « psychologique » de la réforme sur les Français, avec la baisse du salaire net après la mise en place du prélèvement à la source pour justifier un éventuel « arrêt » de la réforme.

Nous contacter

Fédération des Finances CGT
263 rue de Paris - Case 540
93514 Montreuil cedex
Tel : 01 55 82 76 66
contact@cgtfinances.fr
https://www.high-endrolex.com/11