De Rugy choisit « la finance privée » pour la gouvernance de la Caisse des dépôts !

Alors que depuis juin, l’Elysée et Bercy n’ont eu de cesse de fragiliser la gouvernance et la direction de la Caisse des dépôts pour mieux en prendre le contrôle, le Président de l’Assemblée Nationale enfonce le clou en désignant à sa Commission de surveillance une personnalité qualifiée, ancienne de Goldman Sachs et responsable d’un fond d’investissement privé domicilié dans les paradis fiscaux.
En septembre dernier, le Président de l’Assemblée Nationale, François de RUGY s’était engagé à publier des appels publics à candidatures pour toutes les nominations de personnalités qualifiées auxquelles il doit procéder "afin de donner le maximum de transparence et de publicité à ces nominations".

C’est donc, fort logiquement, qu’en fin d’année 2017 , il a fait procéder à la publication d’un appel public pour nommer un membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts en application de l’article L 518-4 du code monétaire et financier qui prévoit que le Président de l’Assemblée nationale désigne deux membres de cette commission, "à raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable, économique ou dans celui de la gestion".
Rappelons que la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts, véritable instance de gouvernance , théoriquement censée incarner l’autorité protectrice du Parlement sur l’institution, compte par ailleurs onze autres membres : trois députés, membres de la Commission des finances (dont un doit appartenir à l’opposition au gouvernement) ; deux sénateurs membres de la Commission des finances ; un membre du conseil d’Etat, deux membres de la Cour des comptes, un sous-gouverneur de la Banque de France, le Directeur du Trésor et enfin une personnalité qualifiée désignée par le Président du Sénat. Le président de cette instance est élu parmi les cinq parlementaires.

Comme en témoigne notamment un certain nombre d’articles récents de Laurent MAUDUIT, la composition comme le fonctionnement de cette instance souffrent de graves défauts qui contribuent grandement à la fragilisation de sa mission de protection vis à vis de l’exécutif qui, sous l’ère Macron, foule régulièrement au pied ses prérogatives : ainsi jusque récemment, on ne comptait aucune femme parmi ses treize membres ; l’opposition parlementaire n’y est pas représentée contrairement à ce que prévoit la loi (actuellement, c’est le député "Républicain" Gilles CARREZ qui s’est abstenu lors du vote de confiance à l’instar de la majorité de son groupe, qui est désigné à ce titre ; cette mission aurait dû logiquement revenir à un ou une député(e) du groupe France Insoumise ou du groupe Communiste qui se sont clairement prononcés contre le gouvernement) ; enfin, au contraire de toutes les entités publiques comparables, les salariés du groupe Caisse des dépôts ne sont pas représentés au sein de cette instance ; Henri EMMANUELLI, ancien Président de la Commission de surveillance, disparu en mars 2017, avait tenté par amendement à la loi Sapin 2 de pallier cette incongruité mais pour des raisons de pure forme, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition.

C’est pourquoi la CGT de la Caisse des dépôts qui revendique depuis longtemps cette possibilité à l’instar de la majorité des syndicats du groupe, a décidé de présenter la candidature d’un représentant syndical, salarié du groupe, à l’occasion de cette appel public à candidature lancé par le Président de l’Assemblée, l’objectif étant avant tout de rouvrir le débat sur cette question puisque François de RUGY s’engageait à la "transparence et à la publicité sur ce processus de nomination".
Cette candidature a bien été transmise et enregistrée dans le respect des délais et des modalités prévues par la procédure comme en atteste un message reçu de la présidence de l’Assemblée nationale le 8 décembre reproduit ci-dessous :
"Nous accusons bonne réception de votre message et vous confirmons que nous avons bien reçu les documents transmis ce jour au Président de l’Assemblée Nationale. Nous reviendrons vers vous dans les meilleurs délais. Bien respectueusement".

C’est alors avec impatience que nous avons attendu la moindre prise de contact, la moindre information, le moindre retour, confiant que nous étions dans l’engagement de "transparence" pris par le "quatrième personnage de l’Etat. Quelle naïveté " !!!

Le 25 janvier, la présidence de l’Assemblée nationale annonçait par communiqué : "Au vu des candidatures reçues, François de RUGY a choisi de désigner Mme Joanna HISLOP, administratrice indépendante ... pour sa compétence dans les domaines économique et financier et son expérience internationale". Sur la forme, en guise de transparence, nous devrons donc nous contenter de la formule :"au vu des candidatures reçues" puisqu’aucune information n’est donnée sur le nombre et le profil des autres candidatures pas plus que sur les motivations de ce choix.

Si l’on peut se réjouir qu’enfin une femme intègre cette instance très masculine, il y a en revanche de quoi s’inquiéter quant au profil de MME HISLOP : ancienne de Goldman SACHS et aujourd’hui "associée fondatrice" du fonds de "private equity" APERA CAPITAL, spécialiste d’opération de LBO, domicilié dans les paradis fiscaux de GUERNESEY et du LUXEMBOURG.
Gageons que cette nouvelle arrivante saura éclairer la Commission de surveillance en matière d’optimisation voire d’évasion fiscale. Mais est-ce l’objectif attendu de la structure de gouvernance d’une institution financière de la République, protectrice de l’épargne des ménages sous l’autorité du Parlement ?

En outre, comme l’indique le communiqué de nomination, MME HISLOP est actuellement administratrice et présidente du Comité d’audit d’une filiale "sulfureuse" de la Caisse des dépôts, "CDC International Capital" dédiée à des prises de participation en direct au côté de fonds souverains (Chine, Quatar...) et dont il est question de la rapprocher de BPI France, autre filiale de la CDC ... on nage en pleine confusion d’intérêts "privés" et l’on cherchera vainement celui de la République !

article initialement publié par "médiapart" sur le blog de J. Ph. Gasparotto.

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