La Caisse des Dépôts n’est pas la « bonne à tout faire »

Son rôle d’intérêt général doit être préservé

Feignant de découvrir les effets de la financiarisation d’une économie globalisée et dérégulée et les affres qu’elle produit sur l’économie du pays (multiplications des OPA étrangères hostiles, délocalisations et restructurations brutales...), Dominique de VILLEPIN a ressorti lors de sa conférence de presse tenue mercredi 1er mars, les « vieilles recettes », en demandant notamment à la Caisse des dépôts « d’augmenter significativement ses placements en actions » dans les entreprises du CAC 40.

Thierry BRETON, chargé par le premier ministre du dossier, a immédiatement traduit cette « injonction » en précisant qu’il allait « permettre à la Caisse des dépôts de se comporter comme un investisseur avisé qu’elle est déjà, mais en augmentant sa capacité de faire, au même titre que tout investisseur privé » !!!

Et Francis MAYER, Directeur Général de la CDC d’ajouter immédiatement : « nous allons nous mobiliser, notamment en augmentant les investissements des fonds d’épargne (c’est-à-dire surtout les encours d’épargne sur livret A centralisés et garantis par la CDC) que nous gérons, dans le capital des entreprises françaises ».

A plusieurs titres, ces différentes déclarations suscitent interrogations et inquiétudes des personnels ainsi que de tous les citoyens qui sont attachés tant à l’autonomie qu’à l’identité et aux missions de la dernière institution financière publique qu’est la Caisse des dépôts.

D’abord, l’autonomie de la Caisse des dépôts vis-à-vis du pouvoir exécutif, et principalement du Ministre des Finances est en effet un principe essentiel qu’il est toujours dangereux de remettre en cause.

Rappelons que la Caisse des dépôts fut créée il y a 190 ans pour précisément offrir « aux populations laborieuses » un service public leur garantissant l’inviolabilité de leur épargne vis-à-vis notamment des appétits du pouvoir exécutif. C’était au sortir des ruineuses guerres napoléoniennes et c’est pourquoi la CDC fut placée dès l’origine sous l’autorité spéciale du Parlement et non sous celle du Ministre des Finances. C’est au nom de ce sage principe, qui ne connut qu’une parenthèse, l’Occupation, que la gestion de nombreux fonds d’épargne privée ont été confiés à la CDC sous le sceau de la « foi publique » (livret A, dépôts des notaires et des professions juridiques, régimes de prévoyance et retraite publics...).

Il est donc toujours dangereux au titre de ce principe de considérer la CDC comme avant tout le « bras armé » de l’État. Vis-à-vis des injonctions du Premier Ministre, le Directeur Général de la CDC et le Président de sa commission de surveillance, Philippe AUBERGER doivent rappeler l’importance de ce principe dont ils sont les garants.

Deuxièmement, la Caisse des dépôts est un Etablissement Public, dont les fonds et les ressources sont la propriété de la République, et à qui la mission publique de gestion sous garantie, de fonds privés (épargne populaire, retraite...) a été confiée. Au risque de se voir contester son identité et son statut publics, elle ne peut donc absolument pas agir en « investisseur privé » comme le réclame
Thierry BRETON y compris dans une perspective d’ailleurs contestable de « patriotisme économique ».

Elle peut encore moins, comme le suggère Francis MAYER, utiliser les fonds d’épargne administrée qu’elle centralise, et qui sont ni plus ni moins que l’épargne populaire des ménages, à la défense du capital d’entreprises privées françaises. Elle ne peut agir que si l’intérêt général est avéré.

Conformément à la loi et à notre utilité publique, les fonds d’épargne doivent être prioritairement employés dans le financement du logement social ou d’autres investissements d’intérêt général. Investir massivement les fonds d’épargne en actions (ils le sont déjà à plus de 6 %) consisterait ni plus ni moins qu’en un grave et dangereux détournement de missions au détriment d’une part, des besoins gigantesques de financement en matière de logement social et d’autre part de garantir l’épargne de tout risque de spoliation. Il y va de la pérennité de la confiance qu’accordent les ménages aux livrets d’épargnes administrée.

Il est pour le moins paradoxal, que la CDC, ainsi sollicitée pour « protéger quelques entreprises privées de risques d’OPA », envisage d’introduire en bourse en avril sa filiale publique immobilière ICADE et qu’elle a cédé il y a plus de 2 ans à un fonds de pension britannique la seule entreprise publique de résidences d’accueil de personnes âgées et dépendantes, MEDICA France, 2 mois après la canicule !!!

En revanche, il serait tout à fait conforme à l’identité publique et aux missions de la Caisse des dépôts de concourir à partir de ses ressources au financement du service public et au développement de l’emploi dans les activités industrielles et de service, ainsi qu’à la constitution, par exemple, d’un pôle public de l’énergie, composé notamment d’EDF, GDF et RTE ou de tout autre outil public au service d’une politique industrielle, dès lors qu’elle sera définie par les pouvoirs publics.

Parce qu’il y va de pérennité de notre identité et de notre utilité publique au service du pays, nous demandons solennellement au Directeur Général de la Caisse des dépôts et au président de la Commission de surveillance (qui se réunit ce soir même) de réaffirmer au gouvernement à cette occasion l’importance de ces principes fondateurs.

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