Interview de Savvas Robolis

Savvas Robolis, professeur émérite de l’Université de Panteion d’Athènes et Directeur Scientifique de l’Institut du Travail de la «  CGT grecque  », a aimablement accepté de répondre à quelques questions concernant les politiques d’austérité et leur conséquences d’après le vécu de son pays.

Savvas Robolis

Peux-tu faire le bilan social de l’intervention de la Troïka [1] en Grèce ?

Durant la période 2010-2013, la Grèce a subi une dégradation productive et sociale considérable. En effet le PΝB (Produit national brut) a été réduit de 25 %, les salaires et les retraites ont été diminués respectivement de 38 % et de 45 % ! La situation de l’emploi est encore plus catastrophique. Avant l’arrivée de la Troïka (2009), le taux chômage était de 9,5 %. Il atteint cette année 29 % de la population active et 30 % des entreprises ont fermé.

À cela s’ajoute la disparition dramatique de toute couverture sociale pour un tiers de la population. La mortalité infantile est en hausse de 40 %. 1 enfant sur 5 n’est plus vacciné. Et trop souvent, le citoyen doit choisir entre se soigner ou se nourrir.

Cette politique a-t-elle réellement diminué la dette du pays ?

En 2010, la dette du pays représentait 125 % du PΝB. En 2013, elle atteint 175 % du PNB. L’argent des « plans de sauvetage » adossé au mémorandum est allé, à plus de 80 %, aux institutions financières et non dans l’économie réelle. La présentation de ce soutien à l’économie grecque n’est donc que camouflage vis-à-vis des opinions publiques européennes.

Quel est aujourd’hui l’état de l’économie réelle ?

Après quatre ans, l’économie réelle est déstructurée. La fiscalité est de plus en plus injuste et de plus en plus lourde : augmentation des taxes, première tranche de l’impôt sur le revenu à partir de 5000 euros annuel, par contre les grandes fortunes et en particulier les armateurs sont toujours épargnés.

La demande intérieure s’est effondrée (-30 %) et nous sommes face à un manque de liquidité, qui a des effets dévastateurs sur l’activité économique.

Encore quelques chiffres pour bien mesurer cette situation : L’activité du bâtiment a chuté de plus de 80 % entre 2007 et 2013. Les impayés d’emprunts immobiliers se multiplient atteignant 25 % du total.

De plus, l’émigration de travailleurs grecs, particulièrement les jeunes, nous ramène plusieurs décennies en arrière et vide le pays d’une partie de ses forces vives au profit de l’Europe du nord.

Quels sont les vrais objectifs en Grèce ?

Nous considérons que les objectifs principaux du programme d’austérité de la Troïka en Grèce est le dédain complet du travail, la disparition de toutes normes sociales (salaires, conventions collectives, état social, retraites, salaire minimum, etc.) ainsi que l’articulation dominée de l’économie grecque à l’économie allemande par le modèle de développement de l’échange inégal entre les pays du Nord et les pays du Sud.

Qu’attendez-vous des forces progressistes en Europe et en particulier des syndicats ?

Il faut lutter contre la politique d’austérité, source de récession et de chômage, en faveur de développement, d’emploi et de la reconstitution de l’État-social. Toute mise en échec de ces politiques d’austérité dans l’union européenne serait un point d’appui pour les travailleurs grecs. Le message des élections européennes en Grèce par l’arrivée de Syriza en première place s’oriente aussi dans cette direction, et de la mise en œuvre d’une politique alternative en Grèce et dans les pays membres de l’Union européenne.

Article paru dans notre journal n°29 (septembre 2014)

Notes

[1La Troïka est constituée du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne.

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