Audience avec Hervé Gaymard Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

Déclaration liminaire de la Fédération des Finances CGT

Monsieur le Ministre,

Vous recevez aujourd’hui, à votre demande, la Fédération des Finances CGT, première organisation syndicale du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Nous tenons à souligner que la Fédération des Finances CGT organise à la fois, les personnels de ce Ministère mais également ceux des établissements financiers du secteur semi-public.

Cette audience se tient dans un contexte tout à fait particulier. En effet, il ne vous a pas échappé que l’action des personnels de la Poste, d’Edf, de la SNCF, de l’ensemble des Fonctionnaires, les 18, 19 et 20 janvier, montre une détermination forte et unitaire des salariés pour exprimer leurs revendications.

Au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie comme dans les établissements financiers du secteur semi-public, les personnels multiplient, depuis plusieurs mois maintenant, les mobilisations pour imposer la prise en compte de leurs revendications et imposer d’autres choix.

Citons et soulignons notamment l’importance, au cours du deuxième semestre de l’année 2004, des mobilisations des personnels de la redevance, de l’Imprimerie Nationale, des agents des centres informatiques tant à la Direction Générale des Impôts qu’à la Direction Générale de la Comptabilité Publique, de l’ensemble des salariés de la Caisse des Dépôts et des Consignations...

Disons-le clairement, le 20 janvier dernier, la mobilisation des personnels du MINEFI a présenté un caractère exceptionnel malgré les dispositifs anti-grève : 45 % de grévistes et plusieurs milliers de manifestants sur l’ensemble du territoire.

Cette mobilisation confirme la montée en puissance de la conflictualité au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Les personnels ont, une fois de plus, clairement exprimé leur opposition aux politiques mises en oeuvre depuis plusieurs années maintenant et que nous pouvons caractériser de la manière suivante :

  • Privatisations et externalisations de missions publiques (contrôle des poids lourds par les Drire, garantie à la DGDDI...).
  • Modifications profondes des conditions de mise en oeuvre des missions au détriment de leur efficacité sur le plan économique et shocial (adossement de la redevance à la taxe d’habitation, « rapprochement CDI / Recette » à la DGI...).
  • Suppression massive et pluriannuelle des emplois au nom de gains de productivité dont ni la nature, ni le volume, ni la localisation n’ont jamais fait l’objet d’un débat contradictoire et donc d’une évaluation sérieuse. C’est même maintenant, au nom de l’exemplarité si chère à vos prédécesseurs, plus d’un non-remplacement d’un Fonctionnaire sur deux partant à la retraite avec 2 210 suppressions d’emplois dans la Loi de Finances 2005.
  • Des baisses en euros constants et des gels de crédits sans cesse croissants amputant gravement les moyens de fonctionnement de nos Administrations Publiques d’Etat mais aussi les moyens alloués au titre de l’action sociale et de l’Hygiène et la Sécurité.
  • Une contraction des réseaux inacceptable et d’ailleurs fortement contestée aujourd’hui tant par les élus que les populations, avec toute une série de fermetures d’implantations administratives au détriment de la qualité du service public rendu (postes comptables à la DGCP, surveillance à la Dgddi, antennes et secteurs à la Dgccrf).
  • Des droits et des garanties collectives en régression : interdiction du droit de grève à la Dgddi, application stricte du 30ème indivisible, remise en cause des modalités de gestion des personnels du point de vue du droit à mutation par exemple qui génère des saisines des tribunaux administratifs...
  • Un recul de la formation professionnelle pour la deuxième année consécutive...
  • Enfin, c’est l’absence de reconnaissance pécuniaire des qualifications des personnels et, pire encore, c’est l’introduction de formes de rémunération à la performance (réforme de la notation, prime Sarkozy, modification des critères de sélection pour les listes d’aptitude...).

Monsieur le Ministre, les personnels du Minefi comme l’ensemble des fonctionnaires ne revendiquent ni des formes de rémunération au mérite, ni l’introduction de nouvelles primes et certainement pas la prime collective dite de performance proposée par votre prédécesseur.

Alors que la perte de pouvoir d’achat du point d’indice est unanimement évaluée à 5 % par les organisations syndicales depuis l’année 2000, le Ministre de la Fonction Publique attribue pour l’année 2005 une augmentation de 1 % (2 fois 0,5 %) et une prime pour les personnels qui se trouvent dans les derniers échelons et sans plus aucune perspective de carrière.

Ne serait ce que du fait de l’augmentation de toute une série de prélèvements sociaux (Contribution Sociale Généralisée, Contribution au Remboursement de la Dette Sociale, Forfaits hospitalier et par acte médical, Régime additionnel...), le Ministre de la Fonction Publique a, dans les faits, annoncé une nouvelle diminution du pouvoir d’achat des fonctionnaires !

Le Gouvernement doit donc ouvrir de véritables négociations sur l’évolution des traitements dans la Fonction Publique, cesser d’opposer les fonctionnaires aux salariés du secteur privé en indiquant qu’ils coûtent trop cher à l’Etat. Nous pensons, par ailleurs, que le Ministre des Finances peut et doit expliquer au Ministre de la Fonction Publique qu’il est possible d’utiliser l’augmentation des recettes fiscales constatée pour financer la revalorisation des traitements des fonctionnaires.

Monsieur le Ministre, disons le tout aussi clairement, les politiques mises en oeuvre dans ce Ministère sont constitutives de véritables entreprises de démolition des missions publiques dévolues au Minefi, pourtant indispensables à la construction de la cohésion sociale et du lien social... Des missions publiques indispensables à la satisfaction des besoins sociaux !

La multiplication des mobilisations et actions des personnels durant le deuxième semestre de l’année 2004, l’importance de la grève et des manifestations, le 20 janvier dernier, montrent que vous devez non seulement entendre les revendications exprimées mais surtout que vous devez y répondre sauf si vous entendez vous placer sur le terrain de la seule confrontation.

Sur ce point, nous entendons être clairs avec vous : la Fédération des Finances CGT souhaite comme les Fédérations syndicales FDSU, FO, CFDT, UNSA que des négociations s’ouvrent sur toute une série de questions sur lesquelles nous reviendrons par la suite. C’est pourquoi notre Fédération, conformément au mandat qui lui a été confié par les personnels n’était pas demandeur d’une telle rencontre en « bilatérale » comme l’on dit.

Cette demande d’ouverture de négociations vous a clairement été formulée par une lettre ouverte, en date du 24 janvier 2005, par les Fédérations syndicales CGT, FDSU, FO, CFDT et UNSA.

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous prendrons acte de votre réponse sur ce point. Pour que de telles négociations puissent s’ouvrir, il vous faut dés à présent, donner des signes forts aux personnels et à leurs organisations syndicales.

C’est pourquoi, de manière immédiate et disons-le clairement au titre de mesures que nous qualifierons d’urgentes, nous vous demandons de bien vouloir annoncer les dispositions suivantes :

  • Arrêt des privatisations, externalisations et des modifications des conditions de mise en oeuvre des missions en cours. Il y a véritablement urgence en la matière ! Pour ne prendre qu’un seul exemple, permettez-nous de dire que les personnels des Douanes attendent de vous l’annonce de l’abandon du projet de démantèlement du dispositif aéromaritime. Permettez-nous également de souligner que le projet de démantèlement du réseau de collecte du renseignement de la Dgddi dans l’Hexagone est inacceptable (suppression des brigades régionales de recherches). En effet, les conséquences d’un tel projet seraient désastreuses car il rendrait purement et simplement la Dgddi aveugle et sourde aux reventes de tabac de contrebande sur le territoire national, aux trafics de stupéfiants, aux contrefaçons, aux circuits de fraude aux taxes sur les produits pétroliers.
  • Nous vous demandons également, à minima, un moratoire sur les restructurations en cours des réseaux et les fermetures de nombreuses implantations administratives : surveillance à la Dgddi, postes comptables à la Dgcp, antennes et secteurs à la Dgccrf...

Alors que le Secrétaire Général du Ministère, lors du CTPM, du 28 septembre 2004, répondant à une sollicitation de notre Fédération, avait pris l’engagement de dresser un bilan et une évaluation des conséquences tant pour les missions que pour les personnels des fermetures d’implantations administratives, nous sommes désagréablement surpris de constater que certaines Directions Générales poursuivent des réorganisations, qui ne vont pas dans le bon sens et pour le moins dans la précipitation.

Nous faisons allusion ici, pour ne prendre la encore qu’un seul exemple, aux évolutions en cours à la Dgccrf. Notre Fédération avait dénoncé la fermeture des implantations infradépartementales. Elle avait également demandé qu’une information claire et transparente lui soit délivrée sur le maintien des secteurs de Bayonne, Boulogne et Brest et la réalité des moyens de fonctionnement de ces derniers.

Alors même que ces informations ne nous ont pas été communiquées, nous constatons que la Direction Générale de la Ccrf tente d’organiser une nouvelle réforme de structures qui, si elle devait aboutir, organiserait la régionalisation de cette administration avec toute une série de conséquences néfastes :

  • Risque de démantèlement des Directions Départementales dans un contexte de suppressions d’emplois.
  • Perte d’efficacité des services.
  • Dégradation des modalités de gestion des personnels.

Monsieur le Ministre,

Toujours au titre des mesures urgentes, alors que le Minefi a perdu sur les trois dernières années, 5 550 emplois, ce qui ampute gravement les moyens de fonctionnement des services, nous vous demandons d’annoncer l’arrêt des politiques de suppressions pluriannuelles d’emplois.

Enfin, comme nous vous l’avions dit, lors de l’audience accordée aux fédérations syndicales, le 13 décembre 2004, nous vous demandons de rétablir et garantir les droits statutaires, les garanties collectives des personnels et de manière immédiate, le rétablissement du droit de grève à la Dgddi, l’absence de remise en cause des modalités de la Réduction du Temps de Travail que semble proposer votre prédécesseur.
L’annonce de telles mesures doit et peut nous amener à ouvrir dans de bonnes conditions des négociations et des discussions sur toute une série de questions.

  • Faire du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, un outil au service du plein emploi et de la satisfaction des besoins sociaux.

De ce point de vue, il y a besoin d’une réaffirmation et d’une redéfinition des politiques publiques dévolues au Minefi, notamment dans le contexte de la mise en oeuvre de la Loi Organique relative aux Lois de Finances... Dans cette discussion, il nous faut également avoir une vision stratégique concernant l’impact sur l’évolution des missions généré par la montée en puissance de nouveaux outils informatiques (Copernic...).

  • Définir dans des cadres pluriannuels les moyens alloués au Minefi et aux personnels :
    • Mise en oeuvre d’un plan pluriannuel de recrutement pour faire face au défi démographique lié aux départs massifs à la retraite ainsi qu’un plan pluriannuel de requalification des emplois pour permettre un meilleur exercice des missions et reconnaître, y compris sur le plan pécuniaire, les qualifications acquises par les personnels.
    • Politique volontariste et ambitieuse de formation professionnelle permettant aux personnels de mieux exercer leurs missions mais aussi de pouvoir passer des concours et examens professionnels assurant de réelles possibilités d’accès aux emplois requalifiés (passages de C en B, de B en A, nouveaux métiers informatiques...).
    • Evolution des crédits tant pour les investissements, que le fonctionnement, l’action sociale et l’hygiène et la sécurité.

Une telle négociation nous paraît d’autant plus urgente que les contrats pluriannuels entre la Dgi, la Dgcp, la Dree et la Direction du Budget s’achèvent en 2005. Il s’agit bien évidemment d’articuler les discussions tant au niveau ministériel qu’aux niveaux directionnels.

  • Associer réellement les personnels et leurs organisations syndicales à la mise en oeuvre de la Loi Organique relative aux Lois de Finances : définition des objectifs, des indicateurs, des Budgets Opérationnels de Programmes, des Rapports Annuels de Performances mais aussi impact de la Lolf sur les modalités d’organisation du dialogue social...
  • Déployer sur l’ensemble du territoire national des implantations administratives garantissant aux populations un service public de qualité. Il s’agirait de mettre à profit la période du moratoire relatif aux fermetures d’implantations administratives pour mettre à l’étude de nouvelles formes d’organisation de nos réseaux déconcentrés sur la base des propositions formulées par notre Fédération lors du conflit de l’année 2000 : maisons et hôtels des finances devant permettre un fonctionnement décloisonné de nos administrations.
  • Procéder à une transformation profonde et à un nouveau dimensionnement des structures dites de dialogue social pour en faire de véritables lieux de négociations.

Comme vous pouvez le constater, Monsieur le Ministre, la Fédération des Finances CGT
porte une réelle ambition pour l’avenir de ce Ministère et de ses personnels. Une ambition qui s’inscrit directement dans notre volonté de participer à la construction d’une société du plein emploi, satisfaisant les besoins sociaux.

Nous écouterons avec beaucoup d’attention vos réponses à nos questions et revendications dont nous rendrons compte, dans les meilleurs délais, aux personnels qui massivement en grève, le 20 janvier dernier, attendent l’ouverture de véritables négociations avec les fédérations syndicales CGT, FDSU, FO, CFDT et UNSA.

Bien évidemment, comme nous vous l’avons indiqué dans le cadre de la préparation avec le Secrétaire Général du Ministère de cette audience, nous tenons à vous dire que nous sommes également porteurs de la même ambition pour ce qui concerne les établissements financiers du secteur semi-public et de ses personnels. Nous y reviendrons tout à l’heure, dans le débat, mais dés à présent, nous réitérons notre demande d’audience spécifique sur l’avenir de ces établissements qui mettent en œuvre des missions d’intérêt général...

Nous vous interrogerons également sur l’avenir de l’Ugap, de l’Ancv, la mise en oeuvre des pôles sociaux au Minefi, l’avenir, le rôle et la place des mutuelles des finances, le climat social au sein de l’Agence Française de Développement, le lancement d’une procédure inacceptable de licenciement au sein de l’Autorité des Marchés Financiers.

Paris, le 1er février 2005.

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