Deux grands absents de son élaboration à sa mise en œuvre…

Dès l’ouverture des travaux préalables à l’élaboration de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la Fédération des Finances CGT avait observé, pour le condamner, le fait que le débat était circonscrit à un cercle très restreint de spécialistes.

L’examen de la proposition de loi au Parlement n’a pas été mis à profit pour faire en sorte que les citoyens soient associés à un processus réformant en profondeur les règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’Etat qui sont les actes essentiels de la vie publique.
Les effets de la LOLF, non encore complètement évalués, seront importants sur les modes de fonctionnement et d’organisation de toutes les administrations publiques d’Etat ainsi que sur les modes de gestion des fonctionnaires d’Etat.

Pour autant, ni avant sa mise en œuvre, ni dans son application au 1er janvier 2006, les fonctionnaires ne paraissent devoir être associés de près ou de loin aux dispositifs envisagés.

En premier lieu, le citoyen

Dès sa gestation, la LOLF a été présentée comme un outil permettant une gestion plus rigoureuse des dépenses de l’Etat ainsi qu’un meilleur contrôle du Parlement.

Afin d’aider les ministères à préparer l’installation de la LOLF, le MINEFI et les Commissions de finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont édité un « Guide méthodologique pour l’application de la LOLF ».

Ce guide rappelle opportunément l’article 14 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui stipule : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Le même guide affirme, de façon péremptoire que « ces principes inspirent directement les dispositions de la LOLF (…) relatives à la mesure des performances ».

Se référer aux principes républicains a peut être pour fonction de rassurer les parlementaires et quelques citoyens peu curieux.
Cela n’autorise pas pour autant à faire dire à la LOLF ce qu’elle ne dit pas.

La LOLF ne contient en effet aucune disposition visant à renforcer le pouvoir du Parlement et donc des « représentants » des citoyens au sens de l’article 14 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
L’article 7-I de la LOLF prend le soin d’indiquer que la mission qui « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » ne peut être créée que par « une disposition de la loi de finances d’initiative gouvernementale ».

La LOLF contient donc une disposition qui continue à confiner le Parlement dans le rôle très limité qui est le sien dans l’esprit de la Constitution de la Vème république.

Quant aux possibilités ouvertes par la LOLF aux citoyens de « suivre l’emploi », de « déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » de l’impôt, elles sont nulles.

« Suivre l’emploi » de l’impôt revient à pouvoir dire son mot sur l’utilisation de l’impôt, c’est à dire sur les dépenses publiques, donc sur les moyens affectés aux administrations publiques de l’Etat.
Une des caractéristique de la LOLF est de structurer le budget de l’Etat en missions, elles-mêmes découpées en programmes.

Les programmes dotés d’un budget seront notamment accompagnés d’un « Rapport annuel de performance » (RAP). Ce rapport annuel devrait permettre d’apprécier si pour un programme donné les objectifs ont été ou pas atteints par les divers services et les administrations chargés de le mettre en œuvre.

Cela devrait permettre d’éclairer les parlementaires sur les conditions dans lesquelles les administrations publiques ont accompli leurs missions.

Bien entendu, les dirigeants à tous les niveaux de ces administrations, regroupées dans un programme, doivent avoir la responsabilité de la rédaction des rapports annuels de performance.
Cependant pour être utiles, ces rapports doivent être complets et sincères.

Ces qualités ne peuvent être réunies que si les rapports font l’objet d’une élaboration collective et contradictoire.
C’est à ce stade qu’il faut affirmer le principe de l’intervention des citoyens qui sont aussi des utilisateurs des administrations publiques de l’Etat.

C’est à ce stade que les citoyens devraient pouvoir « suivre l’emploi », « par eux-mêmes », « de la contribution publique » comme l’indique l’article 14 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen déjà cité.
Ainsi les citoyens/utilisateurs pourraient exprimer leurs critiques, leurs besoins, leurs attentes à propos du fonctionnement des administrations.
Cette expression citoyenne devrait se concrétiser dans des structures départementales où siègeraient les organisations professionnelles, les organisations syndicales de salariés, les associations…

Une synthèse nationale pourrait être intégrée au rapport annuel de performances de chaque programme.
Il s’agit là bien entendu de l’esquisse de ce que pourrait être la formalisation de l’intervention citoyenne.

Sur le fond, il s’agit d’exprimer pour la Fédération des Finances CGT sa volonté d’affirmer le principe de la présence citoyenne en pleine conformité avec le texte de référence qu’est la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
L’élaboration et l’exécution du budget de l’état sont des actes majeurs de la vie politique.
Contribuer à ce que ces actes majeurs ne soient pas appropriés par une poignée de technocrates du MINEFI et quelques parlementaires avertis serait un pas modeste vers plus de démocratie.

Deuxième grand absent : le fonctionnaire d’Etat

Il n’est pas tout à fait vrai que le fonctionnaire d’Etat est absent de la LOLF.
On peut en effet lire dans le Guide méthodologique pour l’application de la LOLF que : « la réussite concrète de la réforme mise en place par la LOLF dépendra, en premier lieu, de la motivation et de chaque agent. »
Plus fort encore, la mobilisation des personnels « s’avèrera en effet, cruciale pour permettre l’organisation optimale des moyens et des activités au sein de chaque service ».

Voilà pour les déclarations de principe dont l’intérêt essentiel est qu’elles ne coûtent pas un euro.

Mais très concrètement, quel sera le rôle des personnels ?
Pour le guide méthodologique d’une cinquantaine de pages, le rôle des personnels se réduit à quatre petites lignes : « La mobilisation de chaque service autour de ses engagements suppose une large concertation interne préalable, notamment au travers des comités techniques paritaires ».

A l’heure actuelle au Ministère, les différentes directions produisent chaque année un rapport d’activité, synthèse des rapports des services locaux.

Le ministère produit lui aussi un rapport d’activité rassemblant les rapports des directions.

Tous ces rapport font l’objet d’une « communication » du comité technique paritaire local au comité technique paritaire ministériel.
Cela signifie que ces rapports sont présentés pour information aux représentants du personnel alors qu’ils ont déjà été transmis à leurs destinataires.

Les représentants du personnels sont autorisés à faire des commentaires dont l’effet sera nul puisqu’ils portent sur des textes bouclés et par définition inamendables.

La LOLF va-t-elle changer quelque chose à ce que l’on peut qualifier de parodie de concertation ?
On le sait, chaque programme sera doté d’un budget (ensuite éclaté en budgets opérationnels de programme) mais aussi d’objectifs et d’indicateurs permettant de mesurer le degré de réalisation des dits objectifs.

Les BOP d’un même programme intègreront les crédits de fonctionnement et la masse salariale donc le niveau des effectifs.
Les objectifs fixés et les indicateurs associés seront déterminants pour le fonctionnement des services et les personnels qui y travaillent.
Le guide méthodologique déjà cité le confirme clairement : « l’orientation en priorité aux activités sera indiquée par les objectifs stratégiques et opérationnels assignés aux services ». Le rapport annuel de performances consistera à apprécier, si au regard des objectifs assignés à un ensemble de services au sein d’un programme, les résultats attendus sont atteints ou pas.

Or il n’est prévu nulle part que les personnels soient associés en quoi que ce soit ni à l’élaboration des objectifs et des indicateurs, ni à la confection des rapports annuels de performance.
Observons cependant que les textes prévoient (décret du 28 mai 1982 – article 12) que les comités techniques paritaires ont à connaître des questions et des textes relatifs à « l’évolution des effectifs et des qualifications ».

Si l’on s’en tient à l’existant, la façon dont les budgets alloués, du niveau ministériel aux services déconcentrés dans une Direction du Ministère, sont présentés, là encore pour information, aux comités techniques paritaires, laisse mal augurer de l’avenir.

Depuis que le Ministère a mis en place un groupe de travail du CTPM sur la mise en place de la LOLF, la Fédération des Finances CGT est intervenue dans cette instance et au CTPM pour qu’une véritable concertation ait lieu avec les représentants du personnel sur le contenu des objectifs et des indicateurs.

La Fédération a formulé des demandes précises concernant les programmes mis en place au MINEFI.

Pour la CGT, tous les programmes outre les objectifs propres à leur champ d’activité, doivent être dotés de deux objectifs : la qualité de vie au travail et l’efficacité sociale.

La qualité de vie au travail est, en effet, un élément constitutif de l’efficacité des services.

La notion de qualité de vie au travail recouvre l’ensemble des éléments qui concourent à assurer de bonnes conditions de travail.
Il s’agit bien sur des conditions matérielles (locaux, normes ergonomiques, matériels informatiques…) mais aussi d’autres dimensions : effectifs suffisants, qualité des relations hiérarchiques…

La Direction du Personnel, de la Modernisation et de l’Administration (DPMA) du ministère a annoncé début avril 2005 son intention d’intégrer un indicateur (au caractère beaucoup moins structurant et contraignant et donc efficace qu’un objectif) sur les conditions de travail.

Cet indicateur serait en fait fondé sur les résultats des enquêtes menées régulièrement par l’observatoire interne du Ministère.
Il s’agit là d’une timide avancée et la Fédération des Finances CGT veillera à ce que cet engagement soit tenu dès 2006.

Reste que pour l’instant aucune procédure n’est envisagée pour associer les personnels et leurs représentants à l’élaboration des objectifs et des indicateurs fixés chaque année pour les programme et les budgets opérations de programme (BOP).

Rien n’est prévu non plus dans ce sens à propos des rapports annuels de performance qui, on l’a déjà noté, devraient être complets et sincères si la volonté est réelle d’éclairer les parlementaires sur l’exécution du budget de l’Etat.

Nous considérons que les personnels de toutes catégories qui ont directement et quotidiennement participé à l’activité des services doivent pouvoir exprimer leur point de vue sur les aspects positifs et/ou négatifs de cette activité et qu’il doivent pouvoir formuler des propositions.
Les indicateurs quel que soit leur nombre et quelle que soit leur pertinence ne peuvent refléter la réalité complexe des conditions dans lesquelles les résultats ont été obtenus.

Une analyse collective et contradictoire incluant la participation des personnels de toutes catégories et de tous grades permettrait de produire un bilan beaucoup plus riche et plus sincère, incluant des propositions.

Cette participation des personnels serait assez facile à organiser au sein des instances de concertation existantes du niveau local au niveau ministériel à condition qu’existe une réelle volonté politique pour le moment inexistante.

Les propositions formulées par la Fédération des Finances Cgt à propos de la mise en œuvre de la LOLF qui réforme profondément les règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’Etat visent essentiellement à créer les conditions d’une intervention directe et active des citoyens et des fonctionnaires d’Etat.

Le propos n’est pas de nier ou de minorer le rôle et les fonctions des institutions telles qu’elles existent, qu’il s’agisse du Parlement, du Gouvernement, du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.
Il s’agit de contribuer au nécessaire renforcement de la démocratie politique et la démocratie sociale.

Dans les textes adoptés par le 47ème Congrès confédéral de la Cgt, parmi les objectifs affichés, on trouve « la bataille pour (…) le renforcement de la démocratie » et l’affirmation selon laquelle « le rôle de l’Etat doit être profondément renouvelé ».

Les revendications formulées par la Fédération des Finances CGT s’inscrivent dans cette démarche.

Elles auraient aussi, si elles étaient satisfaites, pour effet de contribuer à faire en sorte que la LOLF ne devienne ni « une superstructure lolfique (…) déconnectée de la réalité administrative » comme le craint le Président de la Cour des Comptes, ni un outil piloté par une poignée de technocrates de Bercy, adeptes de l’ultralibéralisme anglo-saxon.

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