Loi travail XXL #9 : le conseil des prud’hommes

Non au plafonnement des dommages intérêts pour licenciement illégal !

Appliquer le droit du travail en sanctionnant, notamment, les abus de l’employeur, lorsqu’ils sont avérés,le Conseil de juridiction est souvent le dernier recours des salariés, le lieu ultime où ils peuvent se voir rétablir dans leurs droits. Elle fait droit en partie ou en totalité, aux prétentions des salariés dans plus de 70 % des demandes. Ses jugements sont confirmés à plus de 80 % par la Cour d’appel. C’est la raison majeure pour laquelle cette juridiction a subi ces dernières années des attaques conséquentes et répétées de la part des gouvernements successifs.

Les conditions d’exercice du mandat prud’homal ont été fragilisées :

  • Suppression de l’élection des conseillers prud’hommes au suffrage universel direct qui leur procurait une forte légitimité ;
  • Limitation du temps de rédaction des jugements, contraignant bien souvent les conseillers prud’hommes à rédiger leurs décisions sur leur temps de repos ;
  • Des moyens humains et matériels très insuffisants.

Des réformes régressives, régulières, ont rendu l’accès à cette justice ainsi que son fonctionnement bien plus difficile :

  • La suppression de 72 conseils de prud’hommes a engendré un éloignement géographique qui a découragé plus d’un salarié.
  • La mise en place des ruptures conventionnelles, qui limitent le contrôle du juge, l’obligation d’avocats aux Conseils devant la Cour de cassation, dont le coût élevé (plus de 3 000 euros) est assez dissuasif pour le justiciable, salarié.
  • La complexification de la procédure de saisine issue de la loi dite « Macron », de mai 2016, qui a porté atteinte aux principes de l’oralité et de la simplicité qui faisaient la spécificité de cette juridiction. Cette nouvelle procédure a généré depuis son entrée en application en aout 2016, l’effondrement du nombre de saisines devant ces juridictions de près de 40%.
  • La réduction progressive des délais de prescription (délais aux termes desquels le salarié ne peut plus saisir le Conseil de prud’hommes).

Une loi du 17 juin 2008 avait ramené de 30 à 5 ans, le délai ouvert au salarié pour contester, notamment, le bienfondé du licenciement dont il fait l’objet. Celle du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi (issue de l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013), l’a fixé à 2 ans (hormis le licenciement pour discrimination ou harcèlement), et à 12 mois pour la contestation d’un licenciement économique ou d’une rupture conventionnelle. L’action en paiement de salaire est passée de 5 à 3 ans. Ces modifications constituent des régressions sociales et engendrent une certaine impunité pour les employeurs hors la loi. Ces durées dérogatoires du droit commun, font peu de cas des intérêts des salariés. Ainsi, à titre comparatif, en matière de loyers impayés, la prescription est au minium de 3 ans.

Concernant la soi-disant simplification voulue du code du travail, celui-ci prévoyait dans ces domaines, deux délais de prescriptions avant 2008, (30 ans pour les actions liées au contrat de travail et 5 en matière de salaires), il en comporte onze aujourd’hui. Il est aujourd’hui question, dans le projet de loi d’habilitation, d’amplifier ces régressions par ordonnances modifiant le code du travail. Réduction à nouveau des délais de prescriptions en cas de rupture du contrat de travail, mais également fixation d’un barème obligatoire des indemnités pour les dommages et intérêts en cas de licenciement illégal (hors licenciement résultant d’une discrimination ou d’un harcèlement).

C’est la troisième tentative d’imposer au juge prud’homal un barème d’indemnisation du salarié victime d’un licenciement illégal. Malgré le refus de l’ensemble des organisations syndicales et de la grande majorité des citoyens et après avoir été retoqué par le conseil constitutionnel !!

Pourquoi cette « persévérance » ? Selon un de ses initiateurs, aujourd’hui Chef de l’Etat, les Conseils de prud’hommes (pourtant composés pour moitié d’employeurs) seraient responsables de la situation actuelle de l’emploi. Les entreprises embaucheraient moins, du fait du juge, qui indemniserait les salariés illégalement licenciés, à hauteur de leur préjudice, ainsi qu’il le ferait pour toute autre victime d’un dommage. Ce serait, une entrave à l’embauche !

En conséquence, pour les convaincre d’embaucher, il faudrait leur permettre de licencier illégalement les salariés et d’en budgéter le coût, si possible à bon marché.

En réalité l’objectif est que l’employeur connaisse à l’avance le coût d’un licenciement illégal, pour décider du « bon moment » pour le faire. Le salarié aura comme épée de Damoclès, son éventuel licenciement illégal, justifié en quelque sorte par la loi, qui en fixe le barème. (voir fiche argumentaire 6 sur les licenciements).

Si ce principe de barème était adopté, les employeurs seront les seuls justiciables, à pouvoir budgéter à l’avance l’indemnité à payer pour une infraction à la loi. La fixation de ce barème rompt avec le principe général de réparation intégrale du préjudice subi, applicable en droit français. Les salariés victimes d’un licenciement illégal seraient les seuls justiciables qui ne seront pas indemnisés à hauteur de leur préjudice. Le juge ne pourra pas condamner l’employeur à hauteur du dommage causé au salarié victime du licenciement illégal, mais au regard d’un barème imposé. Or, ce dommage est, par nature, diffèrent selon le salarié concerné. Il est déterminé par le juge, au cas par cas, en fonction de l’ancienneté du salarié, son âge, ses possibilités de retrouver un emploi équivalent, sa situation professionnelle après la perte de son emploi, des conséquences sur son niveau de vie, de l’éventuelle brutalité de son licenciement, etc.

La CGT revendique :

L’amélioration des moyens humains et matériels de ces juridictions, ainsi que :

  • le rétablissement de l’élection des conseillers prud’hommes au suffrage universel direct, indispensable pour garantir une réelle légitimité de cette institution ;
  • la garantie d’un principe d’oralité devant ces juridictions ;
  • la gratuité, la simplicité et la proximité de cette justice à tous les niveaux (Conseil de prud’hommes, Cour d’appel et Cour de cassation) ;
  • la suppression de l’obligation d’avocats aux conseils devant la cour de cassation ;
  • la suppression de la requête d’introduction d’instance extrêmement, complexe pour le simple salarié qui a abouti, depuis son entrée en application en août 2016, à une baisse conséquente du nombre de saisines devant les conseils de prud’hommes. Au regard de cette complexification de l’instance, les salariés sont découragés et saisissent moins ces juridictions, renonçant par la même à faire valoir leur droits ;
  • la suppression de toutes formes de barèmes (y compris indicatifs), car ils annihilent le caractère dissuasif de la sanction (les patrons peuvent provisionner le coût d’un licenciement) et ne permettent pas la juste réparation du préjudice ;
  • de mettre fin à la rupture conventionnelle des contrats de travail.
  • le retour des délais de prescriptions applicables avant la loi de 2008.

Exemple :

Ainsi, un salarié qui obtiendrait devant le juge, la condamnation de son employeur au paiement de salaires non perçus (par exemple des heures supplémentaires), pourra obtenir uniquement le versement sur 3 ans, des sommes dues à ce titre, le reste demeurera dans la poche de son employeur.

Exemple

Il y’a quelques temps, un jugement de Conseil de prudhommes a considéré sans cause réelle et sérieuse, le licenciement d’une salariée comptable, deux mois avant son départ à la retraite. Elle avait une ancienneté de 40 ans. Elle a été licenciée par son employeur pour faute grave et par conséquent, privée en plus, de son indemnité de licenciement. Elle aurait commis des fautes comptables. Le Conseil de prud’hommes a condamné son employeur au regard du préjudice subi, notamment en raison du contexte de ce licenciement illégal. Elle a obtenu 149 000 euros à titre de dommages et intérêts ; ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de Paris. Le juge doit pouvoir exercer son pouvoir d’appréciation sur l’étendue du préjudice réellement subi par le salarié.

Nous contacter

Fédération des Finances CGT
263 rue de Paris - Case 540
93514 Montreuil cedex
Tel : 01 55 82 76 66
contact@cgtfinances.fr