Groupe de travail : mérite individuel dans les rémunérations/notations

Déclaration liminaire de la CGT

Lors du CTPM du 7 octobre 2002, le ministre a annoncé quatre chantiers pour mettre "Bercy en mouvement".

Le 4e chantier comportait 3 volets :

  • Un plan de promotions et de qualifications d’un volume qualifié de "significatif".
  • La prise en compte du mérite individuel dans la rémunération.
  • La progression dans la qualité du dialogue social.

Observons qu’à ce jour, ce qui paraît "significatif" c’est que le seul des trois volets qui ait pris du retard soit celui relatif au plan de qualifications.

Sur le sujet à l’ordre du jour de la présente réunion, la CGT tient, par cette déclaration liminaire, à préciser son point de vue.

Constatons tout d’abord qu’au delà de l’habillage technique souvent utilisé comme paravent, la question de la rémunération individuelle au mérite est bien de caractère politique puisqu’elle renvoit à la conception du rôle et de la place de l’Etat.

Car qui dit rémunération, dit place des rémunérations des agents de l’Etat dans le total des dépenses publiques et par conséquent, niveau des prélèvements obligatoires.

On citera pour illustrer cela quelques extraits d’un rapport de l’Observatoire de la Dépense publique publié en décembre 2002 et intitulé "la gestion des ressources humaines publiques à l’heure de la performance".

Précisons que contrairement à ce que pourrait laisser croire sa dénomination, l’Observatoire de la Dépense publique est une émanation de l’Institut de l’Entreprise financé par 120 grandes entreprises privées.

Le rapport indique, s’agissant des services de l’Etat : "il faut dépenser mieux, c’est à dire faire plus en quantité et surtout en qualité, avec autant, voire moins de ressources (…) Or dépenser mieux touche directement aux questions de gestion des ressources humaines, et plus précisément aux enjeux de l’efficacité et de la productivité des agents".

Le même rapport évoque longuement - qui s’en étonnera - les perspectives ouvertes par la LOLF et formule avec précision l’objectif à atteindre : "un directeur en charge de la conduite d’un service public ne pourra être tenu responsable de l’atteinte ou non d’objectifs qui lui sont assignés que s’il dispose de la maîtrise de l’évaluation des agents, d’une partie de leur recrutement, de certaines de leurs conditions d’avancement et, plus généralement, du niveau des rémunérations, tout au moins pour les rémunérations accessoires".

Les propos tenus par F. Mer et son secrétaire général lors d’un récent déplacement à Marseille permettent de compléter le décor.

Sur le rôle de l’Etat d’abord, le ministre a jugé utile d’affirmer devant un parterre de patrons locaux : "l’Etat a une priorité : ne pas vous embéter en vous mettant des contraintes sur le dos".

Devant les cadres administratifs, son secrétaire général a affirmé : "le climat va se tendre, mais ne vous y trompez pas : les gains de productivité doivent aussi servir à réduire les effectifs. Et ça ne s’arrêtera pas en 2003".

Alors, la rémunération individuelle au mérite : moyen de pression pour accroître la productivité aux fins de réductions des effectifs ou outil au service d’une meilleure efficacité dans l’accomplissement des missions publiques ?

Les paroles et les actes plaident pour la première hypothèse. Pour cette première raison, l’hostilité de la cgt à cette pratique est complète.

Si on se place hors de ce contexte, on peut comprendre la rémunération individuelle au mérite comme incitation à plus d’efficacité dans l’implication professionnelle des personnels.

Trois exemples concrets, deux très généraux et l’un propre au MINEFI pour montrer que ce postulat résiste mal à sa confrontation avec la réalité.

Dans l’entreprise Walt Disney, la rémunération individuelle au mérite se pratique à grande échelle : la rémunération horaire du PDG correspond à 16 années de salaire d’une ouvrière qui assemble à Haïti des vêtements au logo de cette entreprise.

Que dire de cet écart sinon qu’il est scandaleusement absurde ?

Aux Etats Unis, les grandes entreprises ont adopté depuis quelques années une méthode de classement forcé des salariés (20% excellents, 70% moyens, 10% bas) ; un classement dans la catégorie "bas" deux années de suite se traduisant par un licenciement.

Aujourd’hui cette méthode est vigoureusement contesté et en voie de disparition. L’ancien PDG de Ford France et actuel directeur général d’AXA confirme : "c’est un constat d’échec de l’amélioration du mode de management. Le vrai courage est de voir comment une personne réalise ce qu’on lui demande de faire. C’est trop facile de se cacher derrière des statistiques".

Troisième et dernier exemple propre au MINEFI.

En 1989, à l’issue d’un des conflits sociaux les plus importants de l’histoire du ministère, il a été procédé à la démodulation de la prime de rendement pour la quasi totalité des agents.

Dans les mois et les années qui ont suivi, on n’a pas observé un recul de la motivation des personnels ni un affaiblissement de leur efficacité au travail.

L’efficacité de la rémunération individuelle au mérite n’est pas prouvée, la cgt y voit une raison supplémentaire pour qu’elle ne soit pas mise en place. Pour autant, l’existant n’est pas satisfaisant et des évolutions doivent intervenir.

Mais pas par cette méthode que vous préconisez et qui nous paraît être un contresens historique. L’implication professionnelle des personnels est intimement liée à l’intérêt porté dans l’accomplissement des tâches.

La complexification des tâches, la généralisation de l’outil informatique ont, entre autres conséquences, celle de réduire considérablement des actes d’exécution au profit d’une démarche de collecte, de traitement et d’analyse de l’information, chaque acte professionnel étant la conclusion de travaux d’un collectif.

Compte-tenu de la nature des missions dévolues aux différentes administrations du ministère, de la réalité actuelle des processus de travail, la notion de collectif de travail comme unité de référence en matière d’efficacité nous paraît la plus pertinente.

Les outils de reconnaissance de cette efficacité existent : le déroulement de carrière, la possibilité de changer de "métier" en cours de carrière, les promotions internes. Ces outils, pour peu qu’ils soient modernisés et non prédéterminés de façon mécanique par des contraintes budgétaires, nous paraissent susceptibles de répondre aux attentes légitimes des personnels.

Enfin, pour rester dans le registre de l’efficacité, nous terminerons en rappelant deux propositions déjà formulées à de multiples reprises et évoquées lors du groupe de travail consacré au dialogue social.

Le droit d’intervention directe des personnels sur l’organisation et le fonctionnement de leur collectif de travail, pourrait, s’il était mis en œuvre, largement contribuer à l’efficacité des agents et des services.

Même chose s’agissant de la prise en compte des besoins, attentes, critiques et propositions des citoyens.

Pour être efficace, la Fonction publique doit être citoyenne et solidaire.

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