Déclaration liminaire du CHSCTM du 24 octobre 2019

Madame la présidente du CHSCTM,

Ce CHSCT ministériel a notamment pour objet l’analyse des rapports nationaux de l’ISST, de la médecine de prévention et de l’ergonomie. Les années se suivent et se ressemblent. Bercy et les administrations économiques et financières payent toujours le plus lourd tribut à la réduction des déficits publics. De manière lancinante et implacable, les suppressions d’emplois se succèdent au fil des ans. Avec elles le long cortège des restructurations brutales, violentes ; la baisse drastique des moyens budgétaires.

Les femmes et les hommes qui quotidiennement font vivre le Service Public au service de l’intérêt général n’ont en retour aucune reconnaissance concrète de la part de leurs ministres. Ces femmes et ces hommes que les pouvoirs publics ont décidé d’ignorer. Pire de considérer comme quantité négligeable, comme des pions que l’on déplacerait sur l’échiquier des intérêts particuliers que vous servez.

Qu’avons-nous à gagner pour les personnels que nous représentons à participer à ce CHSCTM ? Rien, à l’évidence. Nous n’avons, et les agents avec nous, qu’à subir. A quoi bon par ailleurs, perdre notre temps à répéter nos analyses et nos revendications ? Vous êtes sourds et aveugles.

Nous pourrions commenter une fois de plus les rapports communiqués, les comparer à ceux des années précédentes, les confronter aux charges de travail qui augmentent partout, aux conditions de travail qui se dégradent…Les réponses ministérielles, nous les connaissons, elles sont idéologiques : l’adaptation à un monde qui bouge, et en conséquence la nécessité d’incessantes modernisations/restructurations présentées comme inéluctables, et surtout absolument incontournables

Notre lassitude et notre déception sont immenses devant cette masse d’informations qui année après année mettent en lumière l’aggravation des situations de vie au travail : souffrance qui conduit certains de nos collègues à des suicides, maladies professionnelles, accidents au travail, hygiène déplorable des locaux,…Ces rapports annuels catastrophistes et impuissants devraient depuis des années susciter une indignation universelle par la seule évocation des données qu’ils contiennent. Ceux-ci ne donnent lieu de votre part qu’à un discours convenu et dépolitisé, du fait même de leur dimension technocratique.

Nous pourrions dénoncer une fois encore les conséquences des restructurations sur le service public, sur sa qualité qui se dégrade, sur le sens des missions, sur ces conflits éthiques qui secouent les personnels et qui les plongent dans un profond désarroi, sur leur crainte de l’avenir, sur leur souffrance.

Nous pourrions aussi dénoncer le manque criant de reconnaissance de leurs efforts démontrés par l’abandon définitif de tout plan de qualification ministériel, la baisse drastique des possibilités de promotions internes, les parcours professionnels et les débouchés de carrière qui se sclérosent...

Mais tout ceci, les ministres, le secrétariat général et vous-mêmes, responsables des directions en avez déjà connaissance au travers de l’observatoire interne. Et alors même que votre responsabilité pénale est engagée, vous n’avez pas esquissé le moindre plan de prévention des risques psychosociaux.

Bien au contraire, au regard de ce qui figure dans nombre de vos documents, vous prétendez qu’il ne s’agit que d’une incompréhension des personnels : les agents n’ont pas bien compris que tout ce qui est entrepris l’est pour leur bien, ils ont tort de s’inquiéter pour rien, tout est mis en place pour les accompagner… Vers où ? La sortie par rupture conventionnelle ?

Présenter l’accompagnement social comme unique réponse à une situation de détresse profonde est totalement irresponsable et témoigne du déni dans lequel vous vous trouvez.

Vous semez partout la désespérance : ce pouvoir politique ne cesse d’accroître les incertitudes et la précarité. La réforme envisagée sur les régimes de retraite en est la dernière preuve. Ce comportement provoque la colère comme les conflits en cours le démontrent chaque jour et le démontreront.

Les Fédérations des finances SOLIDAIRES, CGT et FO vous alertent solennellement du danger grave de poursuivre les restructurations-destructions au sein des MEF.

Les employeurs publics ont une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale, comme le rappelle d’ailleurs l’accord de prévention des risques psychosociaux dans la Fonction publique d’octobre 2013. L’article L4121-2 précise les grands principes de prévention dont le premier est, pour l’employeur, d’éviter d’exposer ses agents à des risques.

Or dans le rapport annuel 2018, les médecins de prévention jugent la charge de travail trop importante. Ils notent la réduction des effectifs, les départs en retraite non remplacés, le manque de « sachants » dans les services et les trésoreries, le manque de « tuilage » comme autant de facteurs aggravants. Pour le management, ils mettent en exergue les injonctions paradoxales, la pression pour les résultats, le manque de soutien technique, le manque de reconnaissance et de priorisation des tâches. Concernant les réorganisations des services, ils soulignent les transformations des métiers, les orientations mal accompagnées et peu anticipées comme autant de risques psychosociaux qui peuvent porter atteinte à la santé des agents. Pour illustrer, les médecins de prévention relèvent (p31) : « la fin de l’année 2018 a été marquée par l’annonce des suppressions des postes en DIRECCTE (pôle 3E). L’effet de surprise et l’absence de réponse ou de débouché visible au moment de l’annonce ont été un facteur de stress. »

Les ISST (Inspecteur Santé et Sécurité au travail), dans leur rapport 2018, décrivent des conditions de travail dégradées qui, malgré les signalements faits à la direction depuis des années par la hiérarchie et confirmés par leurs observations, ne s’améliorent pas. Ils observent également un manque de considération et de reconnaissance pour les efforts accomplis par les agents qui maintiennent leur service à flot malgré les difficultés. La pression et la charge de travail sont pointées comme croissantes en raison des absences et des baisses d’effectifs. Les agents, de leur côté, se résigneraient au travail en mode dégradé. Peu à peu la démotivation s’installe et des conflits de valeur se développent autour de la qualité du travail. Les ISST relèvent, comme facteurs de contraintes identifiées et sources de RPS (Risques Psycho-sociaux), l’enchaînement des réformes.

Le taylorisme s’est transformé mais est toujours bien réel, notamment dans l’organisation et le fonctionnement des services. Il devient toujours plus aliénant et déresponsabilisant avec une forte perte de sens et de repère comme l’instauration du travail en mode projet à la DGE.

Ce constat des acteurs de la prévention des risques professionnels a pourtant été fait avant le nouveau projet de réorganisation du Ministre Darmanin incluant la « géographie revisitée » et la démétropolisation, le rapport Gardette et le transfert de 11 taxes sur 14 de la DGDDI vers la DGFIP ent érinant la réduction drastique du périmètre des missions fiscales de la DGDDI, amorce de l’agence nationale du recouvrement social et fiscal, la restructuration des administrations centrales, la disparition de la DGCCRF et des laboratoires communs...Tout cela sans transfert d’emplois, sans évaluation des charges de travail...

Pour les fédérations des finances SOLIDAIRES, CGT et FO, l’Administration expose les agents à des risques psychosociaux susceptibles de mettre leur vie en péril.

Ainsi à la DGFIP, la réponse de la direction au droit d’alerte de l’intersyndicale des représentants du personnel suite aux 5 événements dramatiques intervenus depuis juin dernier, n’est pas à la hauteur. Nous sommes particulièrement inquiets et nous tenons aujourd’hui à tirer une nouvelle fois la sonnette d’alarme car à persister dans l’inaction votre responsabilité pénale sera pleinement engagée.

Ainsi les Fédérations des finances SOLIDAIRES, CGT et FO exercent solennellement ce matin, au nom de l’ensemble des personnels du ministère, un droit d’alerte conformément à l’article 5-7 du décret 82-453 du 28 mai 1982 : « Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un agent, en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant selon la procédure prévue au premier alinéa de l’article 5-5 (Dans le cas d’une situation de travail présentant un risque grave pour la santé ou la sécurité des agents lors de l’exercice de leurs fonctions…)… ».

Nous sommes consternés par une situation qui a conduit nos collègues à mettre fin à leurs jours. Nous ferons une minute de silence pour leur rendre hommage et vous invitons à vous y associer. [1]

Nous condamnons la carence fautive des ministres et des directeurs en matière de santé, sécurité et conditions de travail et, afin de la dénoncer les Fédérations SOLIDAIRES, CGT et FO des Finances ont décidé de quitter cette séance du CHSCTM. 

Notes

[1Le Secrétariat Général et les directions ne se sont pas levés au cours de la minute de silence

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